Le sexe privilégié (4)

(Un antisémite et un philosémite en désaccord) :

UN PHILOSEMITE : (d’un ton neutre) la femme est un sous-juif.

UN ANTISEMITE : (d’un ton neutre) La femme est un sur-juif.

Anonyme, Dialogues de sourds : drame en X actes, 2020

Les hommes, les femmes, le travail

1. Une brève histoire du travail

De nos jours, « quelle est votre profession ? » est sans doute la première question qu’une personne pose à un inconnu. Le sous-entendu est que ne pas travailler est, sinon un délit, à tout le moins légèrement déshonorant. Un homme qui ne travaille pas pour gagner sa vie sera probablement taxé de playboy ou de parasite, tandis qu’une femme dans le même cas sera qualifiée de mondaine ou de femme au foyer.

Cependant, comme le montre clairement le récit biblique de l’expulsion d’Adam et Eve du jardin d’Éden, pendant la majeure partie de l’histoire, le travail eut tendance à être considéré comme quelque chose de désagréable, de dur et même de dangereux. Des attitudes similaires imprègnent le reste de l’Ancien Testament. En fait, l’hébreu ancien n’a pas vraiment de terme pour « travail » ; le mot moderne, avoda, dérive de la racine avad, « servir ». Le service pouvait être rendu à un dieu, auquel cas il n’était positif que s’il impliquait l’adoration du grand et jaloux Jéhovah, ou à un être humain, auquel cas ses connotations étaient presque toujours négatives. La Bible nous raconte d’innombrables fois qu’un peuple est conquis et contraint de « servir » un autre dirigeant. Les Israélites en appelèrent à Dieu contre le « service » que leur avaient imposé les Égyptiens. Bref, travailler était un acte qui était tout sauf agréable. En fait, une acception secondaire du terme est « rendre hommage ». D’avad aussi vient le mot courant pour « esclave », eved, ce qui implique que le travail équivaut à la servitude et vice versa [273].

De même, le terme grec pour désigner « travail », ponos, peut également signifier « souffrance » ou « sanction » [274] ; son contraire, hedone, peut être traduit par « plaisir ». Un bon exemple de ce que ponos pouvait impliquer est fourni par les douze « travaux » que Zeus imposa à Hercule pour avoir tué en état d’ivresse son frère Eurysthée. Certains ponoi étaient humiliants. D’autres impliquaient de travailler dans la crasse, tandis que d’autres étaient dangereux. Comme ponos, le terme latin labor a également le sens secondaire de « situation pénible », « résultat de la peine » et « épreuves ». Il signifie également « souffrance », comme celle que les femmes endurent lors de l’accouchement [275]. Work, lavoro et travail conservent ces différents sens. Work rend d’ailleurs doublement clair le lien entre travail et souffrance en suggérant qu’une personne « croule sous » (labour under) telle ou telle difficulté.

En Grèce et à Rome, la distinction fondamentale était entre les esclaves, qui travaillaient (et souffraient très probablement en travaillant) et les hommes libres, qui, s’ils le pouvaient, ne travaillaient pas. Dans la pensée bouddhiste, la distinction fondamentale était entre les laïcs et les religieux. Les laïcs étaient soit ceux qui travaillaient pour gagner leur vie, comme les marchands et les artisans, soit ceux qui tenaient sous leur dépendance ceux qui travaillaient et subvenaient à leurs besoins par leur travail, comme les princes et les guerriers. Les religieux vivaient également du travail des autres. Cependant, plutôt que de prendre en main la société, ils passaient leur temps à prier ou à se regarder le nombril. Il est vrai que la pensée taoïste ne distinguait pas dans la même mesure entre les religieux et les laïcs. Cependant, pour elle, l’idéal n’était pas non plus le travail, mais la méditation. Le dépassement de soi, compris comme la liberté par rapport aux préoccupations terrestres, était et reste l’objectif commun de ces deux religions.

Comme la langue commune du moyen-âge était le latin, le mot de « travail » conserva à l’époque nombre des connotations qu’il avait dans cette langue dans l’antiquité. En fait, le christianisme occidental, guidé par l’Ancien Testament, associa encore plus étroitement travail, péché et châtiment. [276]. On dit souvent que la société médiévale était composée de ceux qui combattaient, de ceux qui priaient et de ceux qui travaillaient. Bien qu’il s’agisse d’une simplification exagérée, le fait que ceux qui travaillaient se situaient au bas de l’échelle sociale en dit long. Ce qui différenciait le Moyen Âge du monde antique et aussi des temps bibliques était le fait que l’esclavage-marchandise (chattel slavery), état d’un groupe de personnes légalement considéré comme la propriété d’autrui, n’ayant aucun droit et n’étant prédestiné à rien d’autre qu’au travail, était rare. En conséquence, le travail n’était pas automatiquement associé à la servitude. Il n’était pas non plus considéré, du moins en théorie, comme dégradant. On pouvait travailler et rester un homme libre, surtout si l’on habitait en ville.

En théorie, sinon en pratique, ceux qui étaient en haut de l’échelle sociale n’étaient pas censés travailler. Ils administraient, chassaient et combattaient. Et quelle était la situation des membres du second état, moines et nonnes ? Leur vocation était d’adorer Dieu. Cependant, il était reconnu qu’il n’était pas sain, ni physiquement ni spirituellement, de s’y consacrer exclusivement et que, à l’exception des ascètes, le temps que les gens pouvaient passer à prier ou à méditer sans perdre la raison ne pouvait pas excéder un certain nombre d’heures. En tout cas, l’époque était révolue où les prophètes vivaient dans le désert et ordonnaient aux corbeaux de les nourrir. De nombreux monastères étaient de vastes et complexes organisations. D’où la règle, instituée par saint Benoît au début du VIe siècle, selon laquelle les moines et les nonnes doivent travailler – laborare et orare, comme le disait le proverbe – aussi bien que prier [277].

Plus tard, l’idée que le travail est quelque chose de positif en soi fut reprise par la communauté laïque, spécifiquement les protestants. Comme le dit Martin Luther dans la première de ses quatre-vingt-quinze thèses, « toute la vie [était] pénitence » pour les protestants. Le protestantisme affirma que le salut ne dépendait pas de la prière, ni des sacrements ni des œuvres. Mise à part la foi, le principal moyen d’arriver au ciel était sans doute le travail productif. En faisant un travail productif, le protestant espérer devenir riche et se prouver qu’il était l’un des élus de Dieu [278]. Cela sous-entendait que le travail en tant que tel était dur et désagréable et que la tentation de l’abandonner était à la fois constante et grande. D’où les nombreuses mises en garde du protestantisme contre l’oisiveté du XVIe siècle à nos jours [279].

Entre 1600 et 1800, l’idée que le travail était bon pour l’âme imprégna la société dans son ensemble, comme le montrent entre autres les nombreux ateliers qui furent établis au cours de cette période à Amsterdam, Londres et ailleurs [280]. L’étape suivante consista à étendre le système aux prisons. Substituts à d’autres formes de punition, comme l’exil, les amendes, la flagellation, les mutilations et la mort, les prisons poussèrent comme des champignons dans la campagne européenne à partir des années 1780. Dès lors, il ne fallut pas longtemps avant que la société commence à essayer de redresser les criminels par le travail. Pour empêcher les détenus de se livrer à une concurrence déloyale avec ceux qui travaillaient à l’extérieur des prisons, les tâches qu’il leur était demandé d’effectuer étaient souvent complètement stupides ; par exemple, on les faisait creuser des trous dans la terre pour les combler ensuite. Cependant, même sous ses formes les plus stupides, le travail était censé inculquer des habitudes telles que l’ordre, la régularité et la discipline [281].

En résumé, pendant la plus grande partie de l’histoire et dans des endroits aussi éloignés que l’Europe occidentale, l’Inde et la Chine, le travail fut généralement considéré comme quelque chose de désagréable, difficile et humiliant et, en conséquence, il fut souvent infligé à titre de punition. Certes, les attitudes des protestants étaient différentes à cet égard, mais, pour eux, il s’agissait moins de glorifier le travail que de dénoncer l’oisiveté. En effet, il ne serait guère exagéré de dire que le protestantisme glorifiait le travail précisément parce qu’il était désagréable et, par conséquent, bien adapté à la « pénitence ». Ce ne fut qu’au cours du XXe siècle que, en raison d’un changement d’attitude, le travail en arriva à être considéré comme quelque chose de positif en soi, encore que les les classes inférieures (ou « classes ouvrières ») n’aient pas toujours partagé ce point de vue. Pour eux, travailler restait une dure nécessité à éviter dans la mesure du possible et cela à juste titre, comme le sait quiconque a déjà visité une mine ou une fonderie.

2. Le travail des hommes, le travail des femmes

Compte tenu de ces attitudes vis-à-vis du travail, certaines d’entre elles purement subjectives mais d’autres enracinées dans la dure réalité du travail physique, il semble approprié de se demander comment exactement le travail était divisé entre les hommes et les femmes. La première réponse à cette question est peut-être fournie par la Bible : quand Dieu chassa le premier couple humain de l’Éden, ce fut Adam et non Ève qu’il punit en décrétant : « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front [282]. » Il resterait à savoir pourquoi il s’en prit à Adam. C’est peut-être parce que les hommes sont plus forts et plus aptes au travail physique ; mais cela peut aussi être parce que Dieu estima que, à cet égard, les femmes ne devaient pas être traitées aussi durement que les hommes.

L’histoire de Sisyphe obéit peut-être à une logique similaire. Parce que Sisyphe avait réussi à les tromper, les dieux le punirent en l’obligeant à rouler une lourde pierre jusqu’en haut d’une montagne, d’où, à peine l’avait-il atteint, elle retombait d’elle-même sur le champ, le forçant à tout recommencer. Pourvu que les pierres aient été plus légères, il n’y avait aucune raison pour qu’une femme n’ait pas dû recevoir une punition similaire. Dans la mythologie grecque, il y a d’ailleurs beaucoup de femmes méchantes qui reçoivent toutes sortes de punitions (Antiope est frappée de folie, Arachné est transformée en araignée) pour leurs méfaits. Aucune n’est cependant obligée de travailler aussi dur que Sisyphe.

Dans la mesure où les femmes mythologiques sont obligées de travailler, leur travail n’est guère difficile. Plusieurs déesses grecques filaient et tissaient. Les nymphes grecques aussi ; l’Odyssée dresse un portrait idyllique de la nymphe Circé chantant joyeusement à son métier à tisser [283]. Des tableaux similaires se retrouvent dans les contes d’autres peuples, notamment allemands et russes. Freya, l’épouse de Wotan, fait de la broderie. Dans de nombreux contes de fées, le héros masculin se voit confier une mission impossible dont il ne doit pas revenir. En revanche, le travail des femmes, même forcé, consistait à faire le ménage (Cendrillon), filer ou trier divers petits objets. Ces tâches pouvaient être fastidieuses, désagréables et même, comme de tisser du foin pour en faire de l’or, irréalisables. Si le travail n’était pas effectué à temps, il pouvait en résulter des sanctions sévères, mais le travail en lui-même constituait rarement une source de réelles difficultés.

Si l’étymologie prouve que le travail a historiquement été considéré comme un fardeau et non un privilège, elle montre aussi que ce sont toujours les hommes qui ont effectué les tâches les plus pénibles. Ainsi, le terme biblique eved, « esclave », n’a pas de forme féminine. Les deux termes hébreux qui désignent la « femme esclave », shifcha et ama, sont liés aux mots sémitiques de « femme » et de « famille » [284]. Cela reflète le fait que les femmes esclaves servaient souvent de concubines. De toute évidence, aucun de ces termes n’exprime l’idée de travail. De même dans les langues germaniques, la forme féminine d’Arbeiter (ouvrier) ne fut créée qu’au XIXe siècle. Un deuxième mot, le verbe schaffen, serait dérivé du vieux germanique scafan, « courbé en deux » [285]. Outre son sens premier de « créer », il signifie « réussir par un travail acharné », « travailler » ou « travailler dur ». Le terme dérivé de « travailleur », Schaffer, est masculin et souvent utilisé comme nom de famille. En tant que tel, il n’a pas d’équivalent féminin.

La réalité reflétait les légendes et la langue ou peut-être était-ce le contraire. Dans l’Égypte ancienne, les cent milles personnes enrôlées chaque année pour construire les pyramides – qui, comme le montrent les images, étaient fouettées à plate couture lorsqu’elles ne faisaient pas leur travail – n’étaient pas des femmes, mais des hommes. Dans tout le Moyen-Orient ancien, ce sont des hommes, qu’ils aient été prisonniers de guerre ou engagés par des racoleurs, qui construisaient les routes, creusaient les canaux, érigeaient les forteresses et bâtissaient les temples [286]. Selon la Bible, le roi Salomon employa des dizaines de milliers d’esclaves masculins pour obtenir les matériaux nécessaires à la construction du Temple du Seigneur [287]. Ce sont des hommes et non des femmes qui bâtirent la Grande Muraille de Chine et moururent par milliers au cours des travaux. D’innombrables esclaves masculins, mais très peu d’esclaves féminines, travaillaient dans les mines d’argent de Laurion, dont l’Athènes classique tirait une grande partie de sa richesse [288].

Ce sont des hommes et non des femmes qui travaillaient comme des bêtes de somme dans les moulins industriels à moudre le maïs. Tout comme les prisons modernes, les lieux où ces travaux étaient effectués étaient généralement considérés comme trop peu recommandables pour attirer les visites de membres de la société civile. Cependant, au cours du IIe siècle après J.-C., l’un d’entre eux fut visité par Apulée. Voici la description qu’il en fit [289] : « Dieux! quelle population rachitique d’êtres humains, à la peau livide et marquetée de coups de fouet ! quels misérables haillons couvrant, sans les cacher, des dos tout noirs de meurtrissures ! Quelques-uns n’avaient pour tout voile qu’un bout de tablier jeté autour des reins. Tous, à travers leurs vêtements, montraient le nu de toutes parts. Tous étaient marqués d’une lettre au front, avaient les cheveux rasés d’un côté, et portaient au pied un anneau. Rien de plus hideux à voir que ces spectres aux paupières rongées par la vapeur brûlante et la fumée, aux yeux presque privés de lumière. Ajoutez à cela une teinte blafarde et sale qu’ils devaient à la farine dont ils étaient saupoudrés, comme les athlètes qui s’inondent de poussière avant d’engager le combat. »

Être une femme esclave n’était pas vraiment une partie de plaisir, tant à cause de la nature de son travail que parce qu’elle était sexuellement à la merci de ses maîtres. Cependant, celles qui exerçaient la plus vieille profession du monde étaient généralement bien nourries, raisonnablement bien vêtues et tolérablement logées : à quoi aurait bien pu servir une esclave malingre, loqueteuse ou trop effrayée pour jouer correctement son rôle ? Il est également peu probable qu’elles subissaient des châtiments corporels dont la sévérité aurait été de nature à leur faire perdre définitivement leurs charmes. En tout état de cause, comme l’indiquent Pétrone, Horace et Sénèque, les esclaves masculins étaient également exploités sexuellement [290].

La main-d’œuvre, constituée en partie de conscrits et en partie de prisonniers de guerre, qui construisit les routes romaines et érigea le Colisée était masculine. Lorsque les Espagnols au Mexique et au Pérou instituèrent le système du repartimiento, ou « travail forcé », notamment dans les mines d’argent, ce sont encore une fois des hommes et non des femmes qui descendirent dans les puits [291]. Le système lui-même était inspiré de celui des Aztèques et des Incas, selon lequel c’étaient aux hommes et non aux femmes de bâtir les temples, de construire les routes et de servir comme des bêtes de somme dans des sociétés qui ne possédaient pas de grands animaux domestiques ni n’avaient inventé la roue. En fait, toutes les économies prémonétaires soumettaient les hommes au travail forcé pour réaliser les grands travaux publics. Même en Europe occidentale, les corvées, qu’Adam Smith appelait « l’un des principaux instruments de la tyrannie » [292], perdurèrent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. En Europe de l’Est, où les hommes étaient obligés de travailler gratuitement deux, trois, voire quatre jours par semaine, elle se perpétua jusque dans les années 1860 [293]. Dans la mesure où les femmes y participaient, elles travaillaient moins longtemps et effectuaient des tâches moins pénibles [294].

Dans aucune de ces sociétés la position sociale et juridique des femmes n’était égale à celle des hommes. En dépit des tentatives qui furent faites pour réduire cette inégalité, elle subsista dans le domaine du travail. Dans la République, Platon créé une société qui est, du point de vue de la sexualité, sans doute plus intégrée que toute autre ne l’avait été et ne le serait. Pour permettre aux femmes de participer pleinement à la vie de la polis, le philosophe proposait de supprimer la famille et d’enlever les nouveaux-nés à leur mère pour qu’ils soient élevés en commun, de laisser les hommes et les femmes s’entraîner ensemble au gymnase et diriger la ville ensemble. Toutefois, Platon fait quand même déclarer à Socrate que « nous leur assignerons dans le service la part la plus légère, à cause de la faiblesse de leur sexe » [295]. Si Platon avait vécu à notre époque, il aurait sans doute été taxé de misogynie. Il en aurait été de même pour Thomas More, Thomas Campanella, Charles Fourier et d’innombrables autres écrivains utopiques. La raison pour laquelle les femmes ont toujours été chargées des tâches les moins pénibles est très claire.

Grâce notamment aux tentatives d’intégration des femmes dans les forces armées de nombreux pays modernes, les différences physiques entre les sexes ont été mesurées avec précision. Une étude a montré que la recrue féminine moyenne de l’armée états-unienne mesure 12 centimètres [296] et pèse 14,3 kilogrammes de moins que la recrue masculine moyenne. Les recrues féminines ont 16,9 kilogrammes de muscles en moins et 2,6 kilogrammes de graisse en plus que la moyenne des recrues masculines, leurs membres supérieurs environ la moitié moins et leurs membres supérieurs environ le quart moins de force. La masse graisseuse étant inversement liée à la capacité respiratoire et à la tolérance à la chaleur, les femmes sont donc désavantagées lors de l’exécution d’activités telles que le transport de charges lourdes, le travail dans la chaleur et la course. Même ajustés en fonction de la taille, les échantillons ont montré que les femmes ne possèdent que 80% de la force globale des hommes. Seuls 20% des femmes les plus fortes étaient capables de rivaliser physiquement avec 20% des hommes les plus faibles. Sur les cent personnes les plus fortes d’un groupe aléatoire composé de cent hommes et cent femmes, quatre-vingt-treize seraient des hommes et seulement sept des femmes [297]. Une autre étude a montré que seuls 5% des femmes les plus fortes sont aussi fortes que l’homme moyen [298].

Une autre définition du travail féminin était qu’il ne s’exerçait pas très loin de chez soi ou dans un territoire inexploré. Les femmes entreprenaient rarement de longs voyages (le mot anglais de travel est lié au mot français de « travail »), en partie parce que, une fois mariées, elles passaient une grande partie de leur temps soit à être enceintes, soit à allaiter ou à s’occuper de leurs enfants, en partie parce que les voyages étaient dangereux. Les dangers pouvaient provenir soit des éléments, soit des personnes, soit des deux. Les dangers posés par les éléments expliquent que les femmes ne participaient normalement pas aux expéditions de pêche en haute mer. Elles n’embarquaient pas non plus, sauf en tant que passagères, sur les navires marchands. Les dangers posés à la fois par les éléments et par les personnes expliquent qu’elles effectuaient rarement de longs voyages terrestres. Tous les dirigeants ne pouvaient pas, comme Ramsès III, se vanter que les femmes pouvaient voyager en toute sécurité dans tout leur royaume [299]. Encore le pharaon s’en vantait-il presque certainement à tort.

La faiblesse physique des femmes et leur réticence à s’éloigner de chez elles ont toujours dicté la nature du travail féminin [300]. Les hommes chassaient le gros gibier et étaient parfois tués à la chasse ; les femmes, en revanche, s’en prenaient à des créatures plus petites et moins dangereuses [301]. Les hommes parcouraient de longues distances en courant, tandis que les femmes ne se pressaient pas, prenant des pauses à leur convenance, ramassant des racines et des baies. Les hommes plongeaient dans la mer pour pêcher des perles, tandis que les femmes restaient à terre, cherchaient des palourdes, qui vivent en eau peu profonde et préparaient les prises [302]. Les hommes gardaient les animaux les plus gros et les plus difficiles à diriger, comme les chameaux, les chevaux et le bétail. Les femmes s’occupaient des petits animaux domestiques et de la volaille.

Dans les années 1830, le politologue Alexis de Tocqueville fit un voyage aux États-Unis pour rassembler du matériel pour son célèbre De la Démocratie en Amérique. « (O)n (ne) rencontre point (d’Américaines) (…), écrit-il, qui soient obligées de se livrer aux rudes travaux du labourage, ni à aucun des exercices pénibles qui exigent le développement de la force physique. Il n’y a pas de familles si pauvres qui fassent exception à cette règle » [303]. Harriet Martineau, la plus célèbre économiste de son époque, voyagea elle aussi aux États-Unis. Une chercheuse moderne dit d’elle qu’elle « a fait des observations plus percutantes sur les femmes que de Tocqueville ne l’avait jamais imaginé » [304]. Elle observa entre autres que les cheveux du mari américain « se dressent à l’idée que sa femme travaille et il travaille dur pour lui fournir de l’argent » [305].

Dans l’Amérique du XIXe siècle, c’étaient des cow-boys, pas des cow-girls, qui passaient des semaines sur les pistes, dormant en plein air, sans avoir la possibilité de se laver, de se raser ou de changer de vêtements, conduisant le bétail du pâturage au marché et du marché à la gare. Dans d’autres sociétés aussi, moins un travail était agréable, plus il était exigeant et dangereux, plus il était probable qu’il soit fait par des hommes [306]. En Chine, tant en raison de l’idéologie confucéenne dominante que des conditions d’insécurité, les femmes travaillaient à la maison ou à proximité. En effet, neiren, un des mots chinois qui désignent la femme, signifie littéralement « personne d’intérieur » [307]. En conséquence, les Chinoises n’effectuaient qu’entre 5 et 38 pour cent de tous les travaux agricoles. Jusqu’au XXe siècle, il était considéré comme choquant de voir une femme brandir une houe [308]. Quand les responsables communistes essayèrent de changer le système et d’amener les femmes à travailler avec les hommes dans les champs dans les années 1950, les deux sexes firent tout ce qui était en leur pouvoir pour s’opposer à leurs efforts.

Ce qui était vrai pour l’agriculture l’était également pour d’autres travaux. Les textes didactiques de l’Égypte ancienne décrivent tous les métiers dans lesquels les hommes pouvaient exercer, à l’exception de celui de scribe, comme ardus par définition [309]. Les hommes bâtissaient les maisons, tandis que les femmes ramassaient de la paille pour en couvrir le toit. (Lorsque la chaume fut remplacée par le bois ou la pierre comme couverture de toiture, les femmes disparurent des chantiers). Les femmes faisaient sans doute la cuisine à la maison, mais, s’agissant des produits domestiques vendus au marché, c’était presque toujours aux hommes qu’incombait la tâche pénible de pétrir la pâte et de cuire le pain. Les femmes filaient, tisaient et cardaient, mais c’était aux hommes qu’il incombait de faire fonctionner les métiers à tisser pour produire des tissus destinés à la vente [310]. S’il est vrai que les femmes étaient partout responsables des travaux ménagers, la plupart des gens vivant plus ou moins au niveau de subsistance, la charge de travail était minime. Les travaux ménagers tels que nous les entendons n’existaient guère ni dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs ni chez les éleveurs nomades. Dans la plupart des autres sociétés, rurales ou urbaines, la grande majorité de la population mangeait des aliments simples et faciles à préparer. Ne possédant que quelques meubles bruts, les gens considéraient souvent l’hygiène personnelle comme une nuisance plus que comme un plaisir [311].

Outre la faiblesse physique des femmes et leur besoin de rester à ou à proximité de la maison, la troisième raison pour laquelle les hommes et les femmes effectuaient des types de travaux différents était la manière dont le travail affectait la santé. Bien avant la naissance de la science moderne, un texte hippocratique du siècle intitulé Des Maladies des femmes dissuadait de faire travailler trop dur les femmes qui venaient d’accoucher. Au IIe siècle de notre ère, le médecin grec Soranos était pleinement conscient que les femmes, soumises à des travaux pénibles, pouvaient perdre leurs règles et que, si elles y étaient soumises trop longtemps, leur fertilité pouvait aussi en pâtir [312]. Les femmes étaient également plus vulnérables aux effets de la chaleur et des produits chimiques et tout fut fait pour qu’elles n’y soient pas exposées au travail. A Babylone, les esclaves féminines tissaient et les esclaves masculins lavaient le linge [313]. Dans la première manufacture de poterie qu’ouvrit Josiah Wedgewood, c’étaient des hommes qui étaient chargés d’accomplir la partie la plus ingrate de la tâche, comme la manipulation et la cuisson de l’argile, tandis que les femmes étaient responsables de la décoration des objets [314].

La justification de ces préoccupations ressort du fait que, au début du XXe siècle au Japon, à l’époque où les femmes étaient autorisées à travailler dans l’industrie minière, 20% de celles qui travaillaient dans les mines contractaient des maladies des organes urogénitaux [315]. La plus grande vulnérabilité des femmes à l’infection explique que les hommes ont toujours été obligés d’accomplir toutes sortes de tâches pénibles, en particulier à l’extérieur de la maison. De bons exemples en sont le brûlage du charbon de bois, l’abattage des gros animaux et le nettoyage des égouts publics. En fait, même si les médecins savaient que ramoner les cheminées pouvait provoquer un cancer du scrotum, le ramonage était un travail d’homme. À ce jour, aux États-Unis, la collecte et l’enlèvement des ordures sont « le plus masculin de tous les emplois masculins » [316].

Non seulement les femmes effectuaient généralement les types de travail les moins pénibles, les moins épuisants et les plus salubres, mais encore leur vie professionnelle différait de celle des hommes en ce qu’elles étaient susceptibles de travailler à la fois à temps partiel et de façon intermittente. Certaines sociétés considéraient la période menstruelle comme « un agréable interlude » [317]. Indépendamment de ce que la romancière américaine Pearl Buck écrivit sur les femmes chinoises retournant au travail quelques heures après avoir accouché, il a toujours été reconnu que les femmes enceintes ou les femmes qui avaient récemment accouché ne pouvaient effectuer que de menus travaux. [318] Jusqu’à l’ouverture des premières crèches à la fin du XIXe siècle, les femmes qui avaient de jeunes enfants ne pouvaient pas non plus travailler à plein temps. En bref, tous les hommes travaillaient ou étaient censés travailler à plein temps tout au long de leur vie, mais pas les femmes, sauf les jeunes célibataires et les veuves [319]. Les lois et réglementations économiques reflétaient souvent cette réalité. Par exemple, dans l’Angleterre du XVIIe siècle, les tarifs journaliers des femmes salariées étaient calculés sur une base saisonnière [320].

Les principes susmentionnés semblent s’être appliqués à pratiquement toutes les sociétés à presque toutes les époques et tous les lieux. Cela n’empêchait évidemment pas des variations considérables, à la fois entre les différentes sociétés et au sein d’une même société à des époques différentes. Alors qu’aujourd’hui le tricot est considéré presque exclusivement comme un travail féminin, les personnes des deux sexes l’exercèrent souvent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Au Tibet, le tissage des tapis était un travail d’homme. En particulier pendant la haute saison agricole, les tâches urgentes étaient souvent exécutées conjointement par des personnes des deux sexes. Mais, même à ces moments-là, une division du travail prévalait : normalement les travaux pénibles, tels que le chargement des produits sur des wagons, était assuré par des hommes. Les femmes accomplissaient rarement les tâches les plus difficiles comme le labourage, sauf en l’absence des hommes – que cette absence ait été permanente, parce qu’il s’étaient établis à l’étranger, ou temporaire, parce qu’ils étaient mobilisés. Quand les circonstances forçaient les femmes à entreprendre de tels travaux, il en résultait une forte baisse de la productivité, comme en Allemagne pendant la Première Guerre mondiale. Dans d’autres cas, la terre était mise en jachère, comme cela se produisit en Union soviétique dans les années 1920 [321]. En Chine, lors du Grand bond en avant, la tentative de faire travailler les femmes dans l’agriculture tandis que les hommes traitaient les minerais de fer dans les hauts-fourneaux causa une famine dans tout le pays [322].

Les kibboutzim israéliens fournissent une autre illustration de ce qui se passe lorsque les différences physiques entre les hommes et les femmes sont bafouées ou ignorées. En partie parce qu’elles manquaient de capitaux et en partie pour des raisons idéologiques, les premières colonies essayèrent de subvenir à leurs besoins presque entièrement par l’agriculture. En partie à cause de leur vision socialiste, en partie parce que les conditions difficiles dans un pays nouveau et inconnu rendaient impératif d’employer tous les bras, elles portèrent la doctrine de l’égalité entre les sexes à des extrêmes rarement vus avant ou depuis. Les photos de cette époque montrent souvent des femmes coiffées d’un foulard qui brandissent une pelle ou une houe, même si, même à cette époque, elles avaient tendance à se voir attribuer des tâches plus faciles.

Pour rendre l’égalité possible, les femmes furent largement déchargées de tâches ménagères comme la cuisine (les repas étaient pris en commun), le blanchissage (il était fait par la blanchisserie du kibboutz) et la garde des enfants (qui habitaient dans leurs propres maisons et ne voyaient leurs parents que quelques heures par jour). Les mères avaient droit à un heure de pause chaque jour. Pas les pères [323]. Malgré cela, au bout de quelques années, la plupart des femmes ne purent plus tenir le rythme. Celles qui essayèrent de suivre en payèrent le prix en vieillissant très vite ; tous les Israéliens se rappellent de ces femmes dont les traits les faisaient ressembler à la mère de leur mari. Les autres se replièrent dans la cuisine, la crèche, l’école, la blanchisserie, l’atelier de couture communal, le secrétariat et la clinique, professions qu’elles seraient de plus en plus nombreuses à exercer dans les décennies suivantes.

En résumé, les femmes ont toujours été privilégiées dans le domaine du travail, en partie en raison de leur relative faiblesse physique, en partie à cause de la grossesse et des soins qu’elles doivent prodiguer à leurs enfants et en partie en raison de la conscience des risques que le travail faisait peser sur leur santé, en partie aussi parce que, étant moins capables de se défendre, elles avaient tendance à rester près de chez elles. À l’inverse, la participation des femmes aux activités masculines pourrait être un signe que ces occupations n’étaient plus dangereuses [323bis]. Un bon exemple en est fourni par les dames de l’époque médiévale et celles de la Renaissance, qui allaient à la chasse, tirant à de petites arbalètes spécialement conçues à leur intention ou faisant voler le faucon. Un exemple plus moderne peut en être trouvé dans la mode récente des cow-girls. À quelques exceptions près, le fait que les femmes étaient privilégiées en matière de travail était aussi vrai aux époques où elles étaient libres qu’aux époques où elles étaient esclaves ou serves, travaillaient sans salaire, aidaient leurs proches ou travaillaient pour des étrangers en échange d’un salaire.

Pour éviter tout malentendu, cela ne veut pas dire que la vie des femmes était forcément facile, qu’elles avaient beaucoup de temps libre, que le travail qu’elles faisaient était toujours agréable ou même qu’elles n’avaient pas à effectuer certains types de travaux jugés dégradants. Cela ne signifie pas non plus que le travail des femmes n’était pas important. Dans les économies de subsistance, où le commerce tenait peu ou pas de place, la distinction entre le travail rémunéré des hommes et le travail non rémunéré des femmes étaient inconnue.

Ce que cela signifie, c’est que les travaux vraiment pénibles – les ponos – ont toujours et partout été réservés presque exclusivement aux hommes.

3. L’industrialisation et son impact

Alors que les femmes avaient toujours fait moins de travail et effectué des travaux plus faciles et plus près de chez elles, la révolution industrielle eut pour effet de contraindre à l’inactivité complète nombre d’entre elles. Ce changement fut dû à la mécanisation de deux processus, la production et le transport. En raison de la fabrication mécanique, les nombreuses petites entreprises qui avaient existé jusque-là firent place à un petit nombre de grandes usines. Le transport mécanique contribua à cette évolution en permettant à beaucoup plus de personnes et de marchandises de voyager avec une facilité et une vitesse sans précédent, sur des distances inouïes et à des prix sans précédent.

La séparation du lieu de travail du domicile affecta différemment les hommes et les femmes. Les hommes quittaient la maison le matin et n’y revenaient qu’à la fin de leur journée de travail. Les femmes s’occupaient du foyer et des enfants. Auparavant, la plupart des femmes effectuaient au moins un travail productif à un moment donné de leur vie. C’est à cette époque que fut inventée la catégorie de la mère à plein temps et femme au foyer. Cette évolution eut lieu à une époque où les domestiques étaient à la fois bon marché et considérés comme des éléments indispensables de la vie, même dans les ménages de la classe moyenne inférieure. Plus la population se concentrait dans les agglomérations urbaines, plus la fécondité baissait, rendant la vie des femmes mariées encore plus facile [324]. Plus leur statut social était élevé, moins il était probable qu’elles dussent gagner leur vie, que ce soit avant ou après le mariage.

Toutes les femmes, il faut le noter, ne cessèrent pas de travailler en même temps et certaines ne cessèrent jamais de le faire, particulièrement à la ferme. Les premiers appareils ménagers (labor-saving devices), tels que les moteurs à vapeur pour tirer les charrues, furent destinés à rendre le labeur des hommes moins pénible. Le travail des femmes était à la fois plus facile et, puisqu’il ne concernait pas les produits en vrac, plus difficile à mécaniser. Il est relativement beaucoup plus facile d’inventer une moissonneuse-batteuse qu’une machine à cueillir les tomates. De fait, un autre siècle s’écoulerait avant que les machines ne commencent à influencer les tâches traditionnelles des femmes, comme le jardinage et l’entretien du bétail [325]. Les facteurs culturels jouèrent également un rôle. Ce fut aux Pays-Bas que les femmes arrêtèrent d’abord de travailler ; à l’inverse, les femmes continuèrent à travailler dans la laiterie longtemps après avoir quitté les autres emplois agricoles [326]. Le travail vraiment pénible, ainsi que celui qui impliquait de longs trajets loin de la maison, continua à être quasiment monopolisé par les hommes.

La plupart des femmes salariées travaillaient dans les services domestiques, domaine dans lequel elles étaient largement plus nombreuses que les hommes. Au milieu du XIXe siècle, 18% des Londoniennes de plus de 20 ans travaillaient comme domestiques. Ces travailleuses représentaient 43% de toutes les Londoniennes répertoriées comme ayant une profession. Aux États-Unis, elles représentaient la moitié de la population active féminine jusqu’en 1940 [327], en partie parce qu’elles n’avaient pas d’autres qualifications, en partie parce que le travail avait ses attraits. Autrefois comme aujourd’hui, certains considéraient le travail en usine comme inconciliable avec la féminité. La domesticité était jugée à la fois plus agréable et moins impersonnelle [328]. Elle avait également tendance à être un secteur d’activité plus stable et à faible taux de chômage.

Son autre avantage était qu’elle satisfaisait les besoins essentiels d’une femme salariée, car le logement et certains de ses vêtements lui étaient fournis par son employeur. Il en allait de même même pour la nourriture ; les domestiques mangeaient mieux que les autres ouvriers. Il a été calculé que dans aucun autre type d’emploi les femmes non qualifiées des classes inférieures ne pouvaient gagner autant d’argent. Les heures étaient longues et le temps libre était rare, mais il était ainsi plus facile de faire des économies. La plupart des femmes ne servaient en qualité de domestiques que pendant un temps relativement court, avant de se marier. Celles qui choisissaient de faire du service une carrière avaient beaucoup de chances d’obtenir une promotion. À Hambourg, par exemple, seulement 1% des employées de maison restaient aux échelons les plus bas. La grande majorité devenaient des femmes de ménage, des dames de compagnie et des cuisinières qualifiées, entre autres postes plus élevés [329].

Au cours du XXe siècle, en tout cas dans les villes, seules les épouses des ouvriers très pauvres travaillaient. Plus encore qu’aujourd’hui, un homme considérait comme humiliant d’être entretenu par sa femme. La mièvre description de Friedrich Engels du « pauvre Jack » assis à la maison et versant des larmes d’humiliation alors qu’il essayait de rapiécer les bas de sa femme est une véritable pièce d’époque [330] Même ce grand défenseur des droits de la femme qu’était John Stuart Mill pensait que « il n’est (…) pas à désirer (…) que (…) la femme contribue par son labeur à créer le revenu de la famille » [331]. Tout au plus, un tel travail était-il considéré comme une réserve dans laquelle on pouvait puiser en cas de besoin extrême. Les femmes mariées n’acceptaient qu’un emploi occasionnel et le quittaient dès que possible [332]. Au fil du temps, il en alla de même pour les épouses des travailleurs non qualifiés et des immigrés [333].

Les femmes ne représentaient qu’une petite minorité des travailleurs industriels. En Angleterre, le pays de loin le plus industrialisé à l’époque, les travailleuses industrielles n’étaient que 8 879 en 1841. Dans la ville néerlandaise de Tilburg, les jeunes ouvriers étaient cinq fois plus nombreux que les jeunes ouvrières [334]. Les femmes représentaient entre 3 et 4% de la main-d’œuvre minière, secteur qu’elles avaient commencé à quitter dès les années 1780. Et les femmes qui travaillaient dans les exploitations minières allaient rarement dans les tunnels, elles travaillaient en surface, triant le charbon et le préparant pour le transport [335]. Comme le dit un dicton français [336], les zones minières étaient « le paradis des femmes, le purgatoire des hommes et l’enfer des chevaux ».

Aussi insignifiant qu’ait été le nombre d’ouvrières industrielles, les effets « corrupteurs » du travail industriel sur les femmes soulevèrent un tollé. En 1844, l’Angleterre fut le premier pays à adopter des lois sur les usines. La Belgique, la France, l’Allemagne, les États-Unis et d’autres pays encore lui emboîtèrent le pas. Pas à pas, les salariées furent protégées. Cette protection comprenait l’interdiction de les employer dans certains métiers, la réglementation des heures qu’elles pouvaient être tenues de travailler, des conditions dans lesquelles elles pouvaient être employées et des trois-huit qu’elles pouvaient ou ne pouvaient pas être obligées de faire. En 1908, le futur juge Louis Brandeis fut en mesure de présenter à la Cour Suprême des États-Unis un mémoire de plus de cent études sur la nécessité de protéger les femmes contre le surmenage. La stratégie fonctionna et la réglementation nationale du travail des femmes fut déclarée constitutionnelle. Pourtant, à peine trois ans plus tôt, un autre tribunal avait rejeté une réglementation similaire d’une industrie dans laquelle les hommes portaient l’un des fardeaux les plus lourds, à savoir la boulangerie [337]. En tout cas, en 1917, pas moins de quarante États des États-Unis avaient adopté une législation protectrice plus ou moins étendue pour les femmes [338]. Ce ne serait que bien plus tard que les hommes, y compris les garçons âgés de 11 ans ou plus, bénéficièrent d’une protection similaire. Lorsque la législation pour les hommes fut finalement adoptée, il s’avéra qu’elle avait été calquée sur les réglementations existantes sur le travail des femmes [339].

Dans les années 1880, le gaz purifié et l’électricité commencèrent à remplacer le charbon en tant que principale source d’énergie. En conséquence, au moins certaines branches de l’industrie furent débarrassés d’une partie de la saleté et de la crasse qui avaient caractérisé à sa pire époque le Coketown de Dickens. La structure administrative des grandes sociétés se dilata, ce qui créa une demande insatiable de secrétaires et de réceptionnistes. Encore plus de postes de cols blancs furent créés par le développement des institutions, dont l’assurance sociale, le système de soins de santé et l’enseignement universel obligatoire [340]. D’autres de ces postes doivent leur existence aux progrès technologiques, tels que le télégraphe, le téléphone et le téléscripteur. Auparavant, le travail dans les services domestiques ou dans les usines n’était pas digne de la jeune femme typique de la classe moyenne, qui passaient les années qui précédaient son mariage à apprendre à chanter, broder ou peindre. Désormais, les jeunes femmes de la classe moyenne se pressaient pour occuper un emploi temporaire dans des activités qui, bien que souvent peu passionnantes, étaient au moins propres, sûres et n’exigeaient guère d’effort ou de compétence. C’est ainsi que, en 1887, les trois quarts des salariées des villes états-uniennes avaient moins de 25 ans. Pas moins de 96% d’entre elles étaient célibataires ; à Berlin, la situation était similaire [341].

Partout où un travail facile et propre était disponible, un grand nombre de femmes sautaient dessus. Aux États-Unis, les femmes représentaient 4% des employés de bureau en 1880 ; 21% une décennie plus tard. Dans cet espace de temps, le nombre total d’employés de bureau était passé de 504 000 à 750 000 [342]. En Allemagne entre 1882 et 1907, le nombre de cols blancs féminins dans le commerce, les transports, la fonction publique et les professions libérales tripla [343]. Selon la sagesse dominante du XIXe siècle, les femmes étaient des âmes faibles et délicates. Plus elles étaient loin de chez elles, plus grand était le danger qu’elles soient corrompues par les hommes et qu’elles en perdent leurs manières si elles avaient de la chance et leur virginité si elles n’en avaient pas. La plupart des employeurs partageaient ces préoccupations. Pour attirer les travailleuses, même ceux qui ne les partageaient pas devaient les protéger. Les photos montrent souvent des salles remplies de jeunes femmes bien habillées travaillant à leurs bureaux, à peine un homme aux alentours [344].

Malgré ces tentatives pour faciliter la vie des salariées, les femmes n’entrèrent sur le marché du travail que dans une mesure limitée. En 1851, environ un quart des Anglaises travaillaient. Soixante ans plus tard, le chiffre était toujours le même [345]. Alors que 83,7% des hommes âgés de 10 ans ou plus faisaient partie de la population active, 31,6% des femmes y appartenaient [346]. Et ce chiffre ne donne pas une vue d’ensemble de la situation, car de nombreuses femmes qui entrèrent alors sur le marché du travail le firent parce que, compte tenu du déséquilibre démographique qu’avait créé l’émigration, elles ne pouvaient pas trouver d’hommes. La situation en Europe continentale ressemblait à celle de la Grande-Bretagne [347]. Aux États-Unis, où il y avait un surplus d’hommes mariables, seule une femme mariée sur vingt occupait un emploi rémunéré [348]. Encore ce chiffre ne reflète-t-il pas non plus pleinement la réalité de l’époque. Une enquête du début du siècle sur les travailleuses « mariées » de Philadelphie révéla que, sur les 728 femmes interrogées, 237 étaient en fait des veuves, 146 avaient été abandonnées par leurs maris et 12 étaient divorcées. Seules 333 des 728 femmes vivaient maritalement [349].

Lorsque la Première Guerre mondiale éclata, on pensa d’abord que, en raison de la perturbation de la vie économique qui en résulterait, les personnes des deux sexes seraient touchées par le chômage. C’est en effet ce qui se produisit au cours des premiers mois. Les industries dans lesquelles les femmes étaient nombreuses, en particulier les fabricants d’articles de luxe, souffrirent d’une baisse de la demande ou furent contraintes de mettre la clé sous la porte [350]. En conséquence, près de la moitié des salariées britanniques connurent le chômage en 1914 [351]. Cependant, dès l’hiver 1914-1915, la situation s’inversa. Comme des millions d’hommes étaient partis pour le front, il fallait leur fournir des millions de tonnes de matériel de toutes sortes. Avant la guerre, les autorités pensaient que leur tâche principale serait de subvenir aux besoins des chômeurs. Au lieu de cela, elles se retrouvèrent rapidement à court de main d’œuvre – homme ou femme – pour occuper les postes qui avaient été laissés vacants ou venaient d’être créés.

Les femmes étaient encore concentrées dans les industries où le travail était relativement facile. Les plus importantes fabriquaient des chaussures, des bottes, des bas, des uniformes, des sangles, des sac-à-dos, des harnais et autres articles similaires [352]. Les femmes commencèrent ensuite à remplacer les hommes dans les emplois nécessitant un contact avec le public, emplois que, toujours à cause de leurs âmes prétendument délicates, elles avaient auparavant rarement, voire pas du tout, pris. Elles devinrent guichetières dans les bureaux de poste et dans les banques, poinçonneuses dans les bus et les tramways, conductrices de taxis et même de fourgonnettes. En 1916, certaines femmes, attirées par les salaires élevés qu’offrait l’industrie l’armement, commencèrent à entrer dans les usines de munitions. Pourtant, même au plus fort de la guerre, en avril 1918, alors que les armées britanniques étaient encore sous le choc de l’offensive la plus puissante jamais lancée par une armée jusque-là, la population active restait masculine presque au deux tiers. Malgré le fait que trois ans et demi s’étaient écoulés depuis le déclenchement de la guerre, le nombre total de salariées britanniques n’était passé que de 3 276 000 à 4 808 000 [353].

La situation à cet égard était la même dans d’autres pays. En 1916-1917, les salariées des usines de munitions de plusieurs pays – l’Allemagne, l’Italie, la France et la Grande-Bretagne elle-même – avaient des salaires tellement élevés que les hommes, qui, à cette époque, mouraient par centaines de milliers sur les champs de bataille, les accusèrent de capitaliser sur la guerre [354]. Les travaux vraiment difficiles, que ce soit dans les mines, la sylviculture ou les transports, entre autres, continuaient à être effectuée presque entièrement par des hommes. Ces hommes soit étaient inaptes au service militaire en raison de leur âge ou de leur santé, soit en avaient été libérés parce que leur emploi ne pouvait pas être exercé par des femmes. Par exemple, à Wigan Pier, plus tard rendu célèbre par George Orwell, les femmes ne représentaient que 5,5% de la main-d’œuvre. Aucune d’entre elles ne travaillait sous terre [355].

La guerre terminée, la plupart des femmes furent heureuses de rentrer chez elles. Normalement, la question n’était pas de savoir si une femme mariée arrêterait de travailler, mais dans combien de temps elle le ferait. Les travailleurs, influencés par les idéologies de gauche, considéraient souvent la question du point de vue de la lutte des classes. Ils étaient fiers que le capitalisme, bien qu’il ait réussi à les asservir, n’ait pas réussi à mettre la main sur leurs femmes. À l’inverse, ceux dont les épouses travaillaient avaient tendance à être méprisés [356]. Aux États-Unis, seulement 15% des femmes mariées exerçaient une activité professionnelle et seulement 20 % des personnes des deux sexes pensaient même que les femmes devaient avoir un emploi. En 1939, ce dernier chiffre était tombé à 10% [357]. Comme l’a écrit un vice-président d’entreprise, la liberté du travail était « le plus grand cadeau de Dieu à la femme et son droit d’aînesse naturel ». Dans tous les pays à l’exception de l’Union soviétique, tant la proportion de femmes actives que leur poids dans la population active stagnaient. En 1929, 40% de toutes les femmes mariées aux États-Unis n’avaient jamais exercé une activité professionnelle à l’extérieur de chez elles [358]. A aucun moment et dans aucun pays elles ne représentèrent plus de 36,1% de la population active [359]. Dans la mesure où les femmes avaient un emploi, elles continuaient à occuper les moins pénibles et les moins insalubres.

Lorsque la Grande Dépression frappa, ce sont surtout les hommes qui en firent les frais. S’il devint beaucoup plus difficile et pour les hommes et pour les femmes de trouver du travail, elle n’eut pas le même impact sur les deux sexes. S’agissant des États-Unis, étant donné que moins de femmes avaient un emploi et qu’elles gagnaient généralement moins, proportionnellement moins de femmes que d’hommes tombèrent au chômage. Au cours des années 1930, le marché du travail se redressa plus rapidement pour les femmes – dans le travail de bureau, dans les services et dans les industries légères – que pour les hommes, auxquels, leurs salaires étant moins élevés, elles faisaient une concurrence déloyale [360].

L’impact du chômage sur les deux sexes ne fut pas non plus le même. Pour les femmes, il était souvent synonyme de privation ; pour les hommes, de privation et d’émasculation, tout à la fois. Il empêchait les jeunes de devenir des hommes. Ils pouvaient finir clochards ou vagabonds, surtout si leurs familles n’avaient pas les moyens de les garder à l’école. Une fois adultes, ils restaient à la maison ou la quittaient à la recherche d’un travail, pour revenir les mains vides. Leurs liens sociaux s’en trouvaient coupés, leur statut réduit, leur estime de soi fragilisée et leur mariage déstabilisé [361]. Tout cela valait aussi pour les femmes, mais dans une bien moindre mesure. Des photographies montrent des milliers d’hommes faisant la queue, trois ou quatre de front, devant des soupes populaires. Comme on le remarqua à l’époque [362], il n’y avait aucune femme dans les queues. Peu de femmes habitaient dans un taudis ou dormaient dans les parcs. Quelle qu’ait été leur souffrance, d’une manière ou d’une autre, les femmes réussissaient toujours à se faire offrir le gîte et le couvert.

La Seconde Guerre mondiale fut à la hauteur de la Première. Encore une fois, des millions et des millions d’hommes furent mobilisés. Une fois de plus, les gouvernements appelèrent les femmes à combler le vide, d’abord dans les services et dans les bureaux, puis dans les industries légères et finalement dans l’industrie lourde. A l’exception de l’Union soviétique, les femmes continuèrent de bénéficier de nombreux privilèges. Il est vrai que la Grande-Bretagne et les États-Unis employaient un grand nombre de femmes mariées, mais, même dans ces pays, les femmes faisaient généralement le travail le plus facile. En Grande-Bretagne, même en 1943, au plus fort de la guerre, dix millions de femmes n’exerçaient aucune activité professionnelle. En moyenne, ces femmes avaient chacune moins d’un enfant à charge. A aucun moment de la guerre les femmes ne représentèrent plus de 38,8% de la population active. Ainsi, même après que 5 000 000 d’hommes, contre seulement 450 000 femmes, aient été appelés sous les drapeaux, les travailleurs étaient toujours plus nombreux que les salariées. Ce n’est que vers la fin de 1943 que les autorités commencèrent finalement à « diriger » les femmes sans enfant de moins de quatorze ans vers des tâches liées à la guerre. En fait, le plan fut mis en œuvre avec beaucoup de prudence, de peur qu’il ne conduisît à la rébellion les femmes comme les hommes [363].

En 1945 aux États-Unis, sur 52 millions de femmes adultes, seuls 19,5 millions occupaient un emploi ; seul un quart des femmes mariées en occupaient un [364]. Bien que l’image de Rosie la riveteuse ait dominé la propagande, c’était en grande partie un personnage de fiction. Dans toutes les usines métallurgiques, les hommes étaient trois fois plus nombreux que les femmes [365]. Un sondage réalisé en 1945 fait la lumière sur les raisons qu’avaient les femmes d’occuper certains emplois et d’en éviter d’autres. Il s’avéra que les trois quarts des employées comptaient continuer à travailler après la guerre. Si possible, elles espéraient le faire sans quitter leurs domaines de prédilection. Il n’est que dans l’industrie de guerre que le chiffre était nettement inférieur. Pourtant, c’est là que les femmes étaient le mieux payées, leur salaire y étant environ deux fois plus élevés que celui des salariées des autres secteurs [366].

Pourquoi les femmes voulaient-elles donc quitter précisément les industries où elles étaient les mieux payées ? Une autre série de statistiques apporte une réponse à cette question. Les plus fortes concentrations de femmes se trouvaient dans les industries dans lesquelles le nombre d’accidents était le moins élevé. Dans ces industries, les femmes étaient presque quatre fois plus nombreuses que les hommes. A l’inverse, dans les industries les plus dangereuses, il n’y avait pratiquement aucune femme [367]. Dans l’ensemble, le taux de blessures des travailleurs était deux fois plus élevé que celui de leurs homologues féminines [368]. Il n’est pas étonnant que les femmes n’aient pas été attirées par les branches industrielles majoritairement masculines. Malgré leurs salaires exceptionnellement élevés, la plupart des femmes employées dans les industries de guerre prévoyaient de quitter ce travail dès que possible. La plupart le firent dès que leurs hommes, revenus de la guerre, recommencèrent à trimer pour subvenir à leurs besoins [369].

En résumé, la séparation du lieu de travail du domicile au XIXe siècle eut un profond impact sur la vie professionnelle des femmes. Il n’est que dans les fermes que les femmes continuèrent de travailler comme avant. Ailleurs, un très grand nombre de femmes, en particulier les femmes mariées, cessèrent complètement d’exercer une activité professionnelle. En partie parce qu’elles ne voulaient pas effectuer des travaux pénibles ou dangereux, en partie parce que la loi leur interdisait de plus en plus de le faire, les citadines qui continuèrent à exercer une activité professionnelle en exercèrent une facile et sûre. Le modèle qui en résulta prévalut pendant la majeure partie de la première moitié du XXe siècle et, dans certains pays, comme les Pays-Bas, jusqu’aux années 1960 [370]. Que ce soit parce que les gouvernements essayèrent de protéger les femmes ou parce qu’il rencontra l’opposition de celles-ci, ce modèle, pas même deux guerres mondiales ne purent le changer.

4. La grande transformation

Comme cela a été noté précédemment, pendant la plus grande partie de l’histoire, le travail fut considéré comme un fardeau imposé à l’homme comme une punition – fardeau que, moines et protestants mis à part, la plupart des gens essayaient d’éviter autant que possible. Au cours des XIXe et XXe siècles, cette vision commença à changer. Ce changement remonte au philosophe anglais de la fin du XVIIe siècle John Locke. L’argument de Locke était que, dans l’état de nature, tout le monde avait autant de droit à tout que quiconque. Les origines de la propriété privée se trouvaient dans le travail ; si certains possédaient beaucoup plus de biens que d’autres, c’était en fin de compte parce qu’eux-mêmes ou leurs ancêtres avaient travaillé plus dur et fait plus pour transformer la nature brute en produits consommables par l’homme [371]. Pour le jeune Marx, le travail productif était la principale différence entre l’homme et les autres animaux [372]. Dans les mains, ou plutôt dans la bouche, des dirigeants socialistes, le travail devint le fondement de l’ordre social. Les biologistes soviétiques allèrent beaucoup plus loin, déclarant que la principale caractéristique humaine était la main et non le cerveau. Ainsi, non seulement le travail constituait l’essence de l’homme, mais il était en fait à l’origine de son évolution.

Auparavant, la plupart des hommes se vantaient de leur richesse, de leur statut social et éducation. D’ailleurs, la plupart des femmes s’enorgueillissaient des qualités de leur mari. Mais, maintenant, les capitalistes et les socialistes faisaient l’éloge du travail. Par conséquent, être un homme de loisir devenait socialement inacceptable, de sorte que même ceux qui n’avaient pas besoin de travailler commencèrent à le faire, du moins prétendirent le faire. Peu à peu, ils en vinrent à considérer le travail comme l’essence de leur vie. Une fois que le travail eut cessé d’être vu – en tout cas en paroles – comme un fardeau et eut commencé à être considéré comme un privilège, il ne fallut pas longtemps aux hommes, prétendant parler au nom des femmes, pour suggérer qu’elles exercent elles aussi une activité professionnelle.

Comme le montrent les écrits de John Stuart Mill, le problème de l’émancipation des femmes du despotisme économique de leur mari était dans l’air. L’auteur le plus important qui suggéra que l’instrument de cette émancipation devait être le travail fut Friedrich Engels. Dans Les Origines de la Famille, de la Propriété Privée et de l’État, il déclare que, sous le « communisme primitif », les hommes et les femmes étaient égaux, partageant les fruits de la terre. Cependant, le progrès technique et l’invention de l’élevage puis de l’agriculture conduisirent à la privatisation des moyens de production. Sur le plan économique, ce changement rendit le travail des hommes beaucoup plus important que celui des femmes. Pire encore pour les femmes, il conduisit à une situation dans laquelle la propriété, qui n’était plus collective, devait être transmise par lignes de mâles. La combinaison de l’héritage et de la propriété privée s’avéra fatale à la position des femmes dans la société. La seule façon pour elles de se libérer de leur état de dépendance économique et donc sociale était de « participer à la production sur une large échelle sociale ». Engels entendait par là qu’elles devaient avoir un travail rémunéré à l’extérieur de la maison. Le travail non rémunéré qu’elles avaient effectué auparavant était à son avis improductif par définition [373].

En partie par intérêt sincère pour les femmes, en partie dans l’espoir que les femmes adhéreraient au mouvement ou persuaderaient leurs maris de le faire, d’autres dirigeants socialistes approuvèrent ces idées. Le programme le plus détaillé fut proposé par le fondateur du Parti social-démocrate allemand, August Bebel [374]. Dans le récit de Bebel, l’histoire des femmes était la triste histoire d’une soumission et d’une dégradation rendues possibles par leur manque d’indépendance économique. Sous le socialisme, proclamait-il, les femmes seraient libérées. En fait, le droit de participer au travail productif et d’être rémunéré en conséquence était l’essence de la liberté. Les femmes ayant été libérées de leur état de dépendance économique, les personnes des deux sexes seraient libres – pour la première fois dans l’histoire – de se marier uniquement par amour.

À bien des égards, les travaux de Bebel constituèrent le fondement des politiques adoptées par l’Union soviétique à partir de 1918. Ayant pris le pouvoir dans un pays ruiné par la guerre et la révolution, la préoccupation la plus immédiate des bolcheviks fut de restaurer la production. Ils croyaient que le moyen le plus rapide d’atteindre cet objectif était de tirer parti de ce qu’ils considéraient comme la principale source inexploitée de main-d’œuvre du pays : le grand nombre de femmes sans emploi. C’est avant tout pour leur permettre, pour ne pas dire les contraindre, à exercer un métier que le jeune État communiste procéda à certaines des réformes les plus profondes dans l’histoire des femmes [375]. La nature des réformes fut exposée par deux femmes, Alexandra Kollontai et l’épouse de Lénine, Nadezha Kroupskaïa, qui reprirent toutes deux les analyses de Bebel sans citer leur source.

Pour Kollontai en particulier, le travail au nom de la société était la chose la plus importante dans la vie – si importante, en fait, qu’elle n’était guère prête à accorder aux femmes le temps nécessaire pour accoucher. Pour que les femmes puissent travailler, « la cuisine devait être séparée du mariage ». Les tâches traditionnelles des femmes, telles que le nettoyage, la cuisine, le blanchissage, la réparation des vêtements et même l’éducation des enfants, seraient communisées. Dans ses envolées les plus radicales, Kollontai prédit même que le logement unifamilial serait remplacé par d’immenses dortoirs. De fait, les architectes soviétiques élaboraient toujours les plans de ces dortoirs à la fin des années 1920 [376].

Si ce projet avait été réalisé, il aurait transformé l’Union soviétique en un vaste kibboutz impersonnel. Il n’aboutit pas parce que les femmes refusèrent que leurs enfants leur soient enlevés, comme le souhaitait le Parti communiste. En fin de compte, les réformes les plus profondes concernèrent le droit de la famille. La rôle de chef de famille des hommes leur fut officiellement retiré et, avec lui, la distinction entre les enfants légitimes et les enfants illégitimes. S’attendant à ce que les femmes travaillent pour gagner leur vie sur un pied d’égalité avec les hommes, le gouvernement rendit la procédure de divorce si facile que la famille elle-même fut pratiquement abolie. Il en alla de même pour la pension alimentaire, désormais comprise comme la cheville ouvrière de l’ancien système. On estimait en effet que ces allocations privaient les femmes à la fois de leur indépendance économique et de leur fierté.

Les résultats, notamment la hausse vertigineuse du taux de divorce, ne tardèrent pas à se faire sentir. Le nombre d’épouses et d’enfants abandonnés essayant désespérément de survivre sans le soutien économique des hommes – c’est-à-dire, dans l’ensemble, sans aucun soutien économique – s’éleva à des millions [377]. La pauvreté engendra le crime. Une génération de jeunes fut jetée à la rue, forcée de vivre du vol ou de la prostitution. À la fin des années 1920, les autorités firent volte-face. La famille fut remise à l’honneur en tant qu’unité de base de la société communiste. Les dispositions d’avant-guerre qui avaient subordonné les femmes aux hommes furent abolies, la pension alimentaire fut rétablie, garantissant que les hommes divorcés continueraient de subvenir aux besoins de leur femme et de leurs enfants. Les œuvres de Kollontai disparurent des bibliothèques et plusieurs des hommes responsables de la rédaction des lois antérieures furent abattus. En fin de compte, la partie la plus importante du projet original fut précisément celui qui nous concerne ici, à savoir les efforts qui furent faits pour que les femmes aient un emploi rémunéré.

Avant la Révolution, la grande majorité des habitants des pays qui composaient l’Union soviétique vivaient de l’agriculture, ce qui signifiait que les femmes avaient toujours travaillé à la fois à la maison et près de celle-ci. Cela changea à la fin des années 1920, quand tout fut fait pour diriger les femmes de la campagne vers d’autres professions. La part des femmes dans la population active augmenta. Il atteignit 24% en 1928, 26,7% en 1930, 31% en 1934 et 35% en 1937. Comme dans d’autres pays, les premières femmes à être embauchées furent celles qui n’avaient pas d’homme pour les entretenir. En 1936, date à laquelle le régime communiste était fermement ancré, moins de la moitié des femmes mariées travaillaient [378].

Au début, l’augmentation du nombre de salariées eut lieu essentiellement dans les secteurs qui avaient traditionnellement employé des femmes. Ceux-ci comprenaient l’industrie légère – alimentaire, tabac, textiles, cuir et papier – ainsi que des services tels que l’enseignement et le commerce. À partir de 1930, une campagne fut lancée pour pousser les femmes à travailler dans d’autres secteurs. En 1930-1933, 44% des personnes récemment embauchées dans le bâtiment et jusqu’à 80% des travailleurs industriels étaient des femmes. La proportion de femmes parmi les travailleurs de la grande industrie passa de 28% en 1930 à 40% en 1937. Dans les plus grandes villes industrielles, comme Leningrad, ce chiffre était encore plus élevé [379]. Les quelques femmes qui avaient réussi dans leurs nouveaux domaines furent mises au centre de vastes campagnes de propagande. Certaines remportèrent même le plus grand prix, une rencontre avec le Père des Peuples lui-même. D’autres étaient motivées par les lois draconiennes sur le travail. Pourtant, même dans ce meilleur des mondes, les épouses des dirigeants n’exerçaient pas d’activité professionnelle.

Des millions d’autres femmes firent des études universitaires et reçurent une formation. Elles furent nombreuses à s’orienter vers des domaines auparavant réservés aux hommes, comme l’ingénierie [380], sans l’être pour autant assez au goût de l’État. Cependant, pas plus que leurs camarades masculins, les femmes me purent surmonter les rigidités intolérables du régime et sa tendance à étouffer toute initiative, économique ou autre. En fin de compte, la hiérarchie communiste du travail – y compris, après 1945, celle qui prévalait dans des pays satellites comme l’Allemagne de l’Est et la Tchécoslovaquie – en vint à ressembler à celle de tous les autres pays. La plupart des femmes travaillaient dans une poignée de professions comptant peu d’hommes. Les principales étaient l’enseignement, la petite administration, les services aux particuliers et la vente au détail [381]. Les femmes soviétiques étaient concentrées dans les postes les moins prestigieux et les moins bien rémunérés. Les femmes étaient peut-être bien représentées en médecine et en droit, mais cela reflétait en grande partie le revenu médiocre et le peu de prestige dont jouissaient les professionnels de ces domaines. Dans l’ensemble de l’économie, plus on montait, moins on rencontrait de femmes [382].

Les logements exigus, la nécessité de passer des heures à faire la queue devant les magasins de biens de consommation de première nécessité et le fardeau continu des travaux ménagers rendaient la vie de nombreuses femmes intolérable. Et, à partir des années 1930, la réaction des Russes fut d’avoir moins d’enfants. En Union soviétique, les contraceptifs étaient toujours de qualité douteuse, en quantité limitée et, parfois, leur usage était officiellement déconseillé, voire interdit. La principale méthode de contrôle des naissances était donc l’avortement, légal ou illégal. On estime qu’au cours des dernières années du régime les deux tiers de tous les fœtus furent avortés [383]. Même pratiqué dans les meilleures circonstances, l’avortement est une expérience traumatisante. En Union soviétique, où il était souvent réalisé dans des conditions difficiles et sans ou sans guère d’anesthésie, il l’était encore plus [384]. Il n’est pas exagéré de dire que, au cours des soixante-dix ans que dura le communisme, ses efforts pour émanciper les femmes en leur donnant la possibilité d’exercer un métier sur un pied d’égalité avec les hommes leur enleva la volonté même de vivre et de donner la vie.

Ce n’est que vers 1980 que le régime comprit qu’il avait un problème sur les bras [385]. Pour le résoudre, il commença par interdire aux femmes l’accès aux quatre-cent-cinquante professions les plus difficiles et les plus dangereuses. Ensuite les femmes obtinrent la permission d’exercer une activité professionnelle à temps partiel. D’autres femmes furent autorisées à exercer certains types de métier à la maison afin de pouvoir garder en même temps leurs enfants. Des périodes plus longues de congés parentaux, payés ou non payés, leur furent accordées [386]. Finalement, Mikhaïl Gorbatchev mena une campagne pour les inciter à revenir à la maison », campagne qui aurait fait se retourner dans leurs tombes les pères et les mères du socialisme [387]. Les femmes soviétiques avaient retenu leur leçon et refusèrent catégoriquement d’exercer des métiers manuels [388]. Certaines femmes fustigèrent le féminisme, qu’elles tenaient responsable de les avoir forcées à exercer une activité professionnelle. Mais ce fut trop peu, trop tard. A l’effondrement du communisme, la vie des femmes était devenue si difficile que la population russe baissait d’un million chaque année. Au cours des seules années 1990, la population de Saint-Pétersbourg s’était contractée de 10%.

Dans les années 1960, l’idée que le travail était à la fois un privilège et un outil indispensable pour l’émancipation de la femme atteignit l’Occident capitaliste. Idéologiquement, c’était une révolution. En 1930, Sigmund Freud avait déclaré que la propension « naturelle » des gens était de se soustraire au travail [389]. L’expression « esclave salarié » continua à être utilisée jusque dans les années 1950. Elle s’appliquait au genre d’homme qui passait toute sa vie à travailler pour des entreprises qui non seulement le contrôlaient mais hésitaient rarement à le renvoyer sur le champ. Les femmes indiquèrent clairement qu’elles n’avaient pas l’intention de participer à une telle servitude plus longtemps que nécessaire. Rien qu’en 1945 et 1946, trois millions d’États-uniennes renoncèrent à leur métier et regagnèrent leurs foyers [390]. En Grande-Bretagne après la Seconde Guerre mondiale, les trois principaux partis appelèrent les femmes à continuer à exercer un métier. Les femmes ne l’entendaient cependant pas ainsi. Loin de jouir de « leur nouvelle indépendance », comme le constata un chercheur, les femmes, en particulier les femmes mariées, avaient « souffert des interruptions de la vie familiale pendant la guerre » et « souhaitaient ardemment reprendre la routine domestique d’avant-guerre » [391]. Il en résulta un baby-boom de courte durée. Entre temps, des travailleurs étrangers durent être importés pour remplacer ceux qui avaient quitté la population active [392].

Au cours des décennies suivantes, la situation changea progressivement. Le premier facteur à l’origine de cette transition fut l’allongement de l’espérance de vie, qui eut pour conséquence que la femme moyenne passerait une plus grande partie de sa vie sans avoir d’enfants à charge. La deuxième facteur fut la reprise de la tendance à long terme à la baisse de la fécondité, qui conduisit au même résultat que l’allongement de l’espérance de vie. Une autre raison fut l’amélioration des opportunités d’éducation pour les femmes, qui amena beaucoup d’entre elles à se demander si le fait d’être femme au foyer n’était pas en fait un gaspillage colossal de leurs connaissances et de leurs compétences. Il en résulta ce que Betty Friedan appela « le problème sans nom. » Les femmes, affirma-t-elle, étaient enfermées dans la routine lénifiante des tâches ménagères. Elles passaient leur temps à nettoyer les sols, à épousseter les armoires et, pour couronner le tout, à cuire des biscuits. En proie à l’ennui et à l’isolement, elles finissaient par être atteintes de troubles mentaux, par tomber dans l’alcool ou par prendre un amant.

Encouragées par le message de Friedan, des légions de femmes mariées dans tous les pays occidentaux quittèrent la maison pour exercer un travail rémunéré. Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, dans les pays développés, le pourcentage de femmes dans la population active commença à se rapprocher de celui des hommes [393]. La plupart des femmes de la classe moyenne – à cette époque, la majorité des États-uniens en particulier se décrivaient comme appartenant à la classe moyenne – cherchaient un boulot facile, agréable, lucratif et aux horaires pas trop contraignants. Grâce à la réduction de près d’un tiers des heures de travail (de 59 à 40), des millions d’entre elles purent effectivement en trouver un. L’essor du secteur des services y contribua pour beaucoup. Dans une large mesure, le processus s’auto-alimentait : la plupart des femmes continuaient à faire le ménage et à s’occuper de leurs enfants tout en exerçant un métier. La solution qu’elles trouvèrent pour y remédier fut de sous-traiter les tâches domestiques qu’elles avaient accomplies jusque-là de leurs propres mains et qui comprenaient la garde des jeunes enfants et le nettoyage de la maison ainsi que la confection, la raccommodage et le lavage des vêtements. Il en résulta une dépendance croissante à l’égard des aliments préparés pour être consommés à la fois à la maison et à l’extérieur (c’est nous qui soulignons).

Les besoins des salariées conduisirent à l’émergence d’une nouveau secteur économique, celui des « services ménagers » [394]. Presque tous les prestataires étaient des femmes. Les femmes créèrent des emplois pour d’autres femmes, qui à leur tour créèrent des emplois pour encore plus de femmes (c’est nous qui soulignons). Par exemple, en Grande-Bretagne entre 1985 et 1996, les sommes dépensées pour les services domestiques doublèrent, ce qui fit de ce secteur celui qui connut la croissance la plus forte de toute l’économie [395]. Aux États-Unis, au début des années 1990, les femmes représentaient 97% de toutes les infirmières, 97 % des éducateurs, 73% des enseignants, 84% des enseignants du primaire, 97,8% des enseignants de la prématernelle et 68% des travailleurs sociaux. La division du travail dans de nombreux autres services prit la même voie [396]. Ainsi, dans de nombreux cas, l’entrée des femmes sur le marché de l’emploi n’eut pas tant pour effet de changer la nature de leurs tâches que de les amener à faire pour des inconnus et à l’extérieur du foyer ce qu’elles avaient toujours fait pour elles-mêmes et leurs proches à l’intérieur.

Dans la mesure où la grande majorité des femmes accédèrent à un emploi qui n’exigeait aucun travail physique, ni des déplacements sur de longues distances et était sans risque ni danger, les femmes restèrent le sexe privilégié. Dans la mesure où la pression exercées par les organisations féministes firent tomber la plupart des restrictions au travail féminin, les femmes devinrent doublement privilégiées : elles purent avoir littéralement le beurre et l’argent du beurre. Dans tous les pays développés, presque tous les travaux vraiment pénibles continuent d’être accomplis par les hommes. Tout comme il y a un siècle, les femmes dans des domaines tels que les mines, la construction et les transports constituent une très petite minorité [397]. Tout comme il y a un siècle, ce sont presque exclusivement des hommes qui travaillent dans la foresterie et l’industrie lourde. Les hommes labourent les champs, creusent les canaux, posent les voies, construisent les routes et déplacent de lourdes charges (d’où les deux termes anglais de manhaul, « traîner [une charge] manuellement ; tirer ou soulever sans assistance mécanique ou animale » et manhandle, « déplacer [un objet lourd] manuellement au prix de gros efforts » ; « manutentionner », mais aussi « brutaliser », « malmener »). Ils construisent également les bâtiments, font fonctionner et entretiennent les grosses machines [398], éteignent les incendies et traquent les criminels violents. Dans la plupart des pays, ce sont presque exclusivement des hommes qui conduisent les trains, les camions, les camionnettes et les taxis, sans parler du pilotage des voiliers et, jusqu’à récemment, des avions commerciaux.

La raison pour laquelle les hommes exercent ces tâches et d’autres tâches difficiles est évidemment qu’elles ne sont pas aussi difficiles pour eux qu’elles le sont pour les femmes. Lorsqu’une femme choisi d’exercer une profession d’homme, ce n’est généralement qu’une question de temps avant qu’elle ne la quitte [399]. La plupart des efforts faits pour y former les femmes le sont donc en pure perte. Pour éviter ces problèmes, il faudrait d’abord faciliter le travail des hommes, ainsi que cela se produisit lorsque l’introduction des ordinateurs dans l’imprimerie rendit ce travail, de compliqué et salissant qu’il était, propre et efficace [400]. La combinaison des lois modernes contre la discrimination d’une part et la réticence des femmes à se retrousser les manches d’autre part peut conduire à des résultats étranges. Ainsi, alors que 80% de tous les cols blancs aux États-Unis sont des femmes, les postes de facteur, seul emploi « administratif » qui implique de marcher beaucoup à l’extérieur, sont presque exclusivement occupés par des hommes [401]. Même dans les prisons pour femmes gérées par des femmes, les travaux de construction et d’entretien sont effectués exclusivement par des hommes [402]. Enfin, dans la mesure où certains métiers sont encore réservés aux hommes, ce sont sans exception les plus pénibles, les moins salubres.

Dans tous les pays développés sans exception, les femmes passent moins d’heures au travail [402bis]. Aux États-Unis, les femmes médecins exercent moins d’heures que leurs homologues masculins ; il en va de même pour les avocates [403]. Au Japon, près d’un tiers de l’augmentation de la population active entre 1960 et 1986 est attribuable aux emplois féminins à temps partiel. Depuis lors, le chiffre continue de croître [404]. En Allemagne, seulement un quart des jeunes mères exercent une activité professionnelle et seulement la moitié d’entre elles en exercent une à plein temps, tandis qu’il n’y a presque aucun père qui occupe un emploi à temps partiel [405]. En Suède, les jeunes femmes passent moins d’heures au travail que les jeunes hommes ; il en va de même pour les femmes plus âgées. Il en va aussi de même pour les femmes mariées ainsi que pour celles qui vivent en concubinage. Les mères passent moins d’heures au travail que les pères ; il en va de même pour les Suédoises sans enfant [406]. Et moins de la moitié des Suédoises ayant des enfants d’âge préscolaire ou scolaire exercent un emploi à plein temps [407]. Ce n’est pas pour rien que l’État-providence suédois est considéré comme étant « favorable aux femmes ».

La raison habituellement invoquée pour expliquer que les femmes passent moins d’heures au travail est le fameux double fardeau. Cependant, à y regarder de plus près, cet argument éculé vole en éclats [408]. Certes, les femmes qui n’ont pas d’emploi passent plus de temps à vaquer aux tâches ménagères que leurs conjoints, mais cela n’explique pas tout. Contrairement aux idées reçues, il n’est tout simplement pas vrai que les mères exerçant une activité professionnelle consacrent beaucoup plus de temps à la garde des enfants que les pères qui travaillent. Étant donné que beaucoup d’enfants à partir de six mois passent une grande partie de leur temps à l’extérieur de la maison, s’occuper d’eux ne représente qu’une infime partie de la vie adulte d’une femme. Plus la famille est petite, plus c’est vrai. Selon qu’elles exercent un emploi à temps partiel ou à temps plein, les mères dans les pays développés consacreraient 1 à 4% de leur temps disponible à la garde des enfants ; les pères, 2 à 3%. Le temps que les femmes universitaires qui ont des enfants passent à les élever est si limité que celles de leurs collègues qui n’ont jamais accouché en passent plus à élever les enfants de leurs conjoint(e)s non universitaires [409].

De plus, le travail peut être défini comme une tâche qu’une personne confie à une autre pour qu’elle l’accomplisse à sa place. Une enquête menée selon cette approche par les Nations Unies dans treize pays différents a révélé que les hommes consacraient près de deux fois plus de leur temps à travailler que les femmes, 66% contre 34% [410]. En conséquence, les femmes ont plus de temps que les hommes pour satisfaire leurs besoins personnels, comme manger, s’habiller, socialiser, regarder la télévision et dormir [411]. Si elles « apprécient une vie bien équilibrée » [412], c’est parce qu’elles ont le loisir de le faire. Les femmes exerçant un emploi à temps partiel bénéficient également d’autres avantages. Elles sont beaucoup moins susceptibles de faire des heures supplémentaires ou des heures de nuit. Elles paient proportionnellement beaucoup moins d’impôts [413], ce qui signifie que, sur une base horaire, elles peuvent gagner beaucoup plus que les hommes occupant des emplois similaires mais à temps plein [414]. En conséquence, les femmes exerçant une activité professionnelle à temps partiel ont tendance à être beaucoup plus satisfaites de leur job que celles qui en exercent une à temps plein. Les salariées à temps partiel avec enfants jouissent d’une meilleure santé que les salariées à plein temps [415]. Il n’est pas étonnant que seulement 10% des salariées britanniques à temps partiel souhaitent l’être à temps plein [416].

On pourrait en conclure que, pour tout ce qui concerne le travail, seules les salariées à plein temps sont vraiment à la hauteur des normes masculines. Mais ce n’est pas le cas. Même en ce qui concerne les emplois à temps plein, les hommes travaillent plus d’heures que les femmes. En Europe et aux États-Unis, les hommes qui exercent un emploi à « temps plein » travaillent 10% de plus que les femmes ayant un emploi à plein temps [417]. En Grande-Bretagne, alors que 28% des hommes employés à temps plein passent régulièrement plus de 48 heures au travail chaque semaine, la moitié des femmes y passent moins de 40 heures [418]. En tenant compte des heures supplémentaires, la différence est encore plus grande. Par exemple, à peine un grand nombre de femmes entrèrent-elles dans les usines automobiles états-uniennes à la fin des années 1960 qu’elles et leurs représentants exigèrent la suppression du vieux système des heures supplémentaires obligatoires. Une fois qu’on eut accédé à leur demande et que les heures supplémentaires furent devenues volontaires, elles ne furent toujours pas satisfaites. Elles déclarèrent que, puisque les hommes étaient plus disposés à faire des heures supplémentaires, le droit de le faire était discriminatoire à l’égard des femmes. En 1973, les revendications contradictoires des salariées avaient fini par taper sur les nerfs du Syndicat des travailleurs de l’automobile. Pour essayer de tourner la page et de faire reprendre les affaires, le Syndicat approuva l’amendement sur l’égalité des droits [en bon français, il baissa son froc. N. D. E.]. Cette législation fut cependant rejetée par la plupart des femmes [419].

Depuis le début des années 1970, selon les pays concernés, les salariées réclament et souvent obtiennent les avantages suivants : des horaires réduits, des semaines plus courtes, des horaires flexibles, des semaines flexibles, des parcours de carrière flexibles – ce qui peut signifier 35 heures de présence au travail par semaine au lieu de 60 – [420], des congés menstruels, des pauses d’allaitement [421], des pauses hormonales [422], des congés de maternité rémunérés et des congés de maternité non rémunérés de plusieurs mois, voire de plusieurs années, assortis d’une garantie de retour au même emploi à l’issue de cette période d’inactivité professionnelle. En Allemagne, les femmes ont aussi le droit de déduire le coût de l’aide ménagère de leurs impôts et, aux États-Unis, elles ont le droit d’en déduire le coût des services de garde d’enfant. En Grande-Bretagne, les femmes jouissent du droit de refuser d’exercer un emploi insalubre ou de changer de lieu de travail [423], pour ne rien dire des garderies financées par l’employeur et des chèques-garderie qu’elles reçoivent. Elles bénéficient également de congés de garde d’enfant, des congés de garde d’enfant d’urgence, des congés pour soins à enfant malade et des congés pour soins à personne âgée [424]. La Grande-Bretagne offre également aux femmes des formations spéciales, connues sous le nom de programmes de mentorat (mentor programs), pour les aider à gravir les échelons de l’entreprise.

Les entreprises qui offrent de tels programmes sont si nombreuses, ces programmes si nombreux et variés, que leur suivi est devenu un travail en soi. Un logiciel a été spécialement développé pour aider les femmes à y postuler. Pour s’assurer qu’autant de femmes que possible bénéficient de ces avantages, les femmes ont exigé et, dans de nombreux cas, obtenu une représentation obligatoire dans les conseils d’administration [425]. Les entreprises européennes appellent ces programmes « E-qualité totale » (Total E-Quality). Cependant, comme beaucoup sont réservés aux femmes, l’égalité n’est ici qu’un mot. Dans certains cas, le vide juridique permet aux hommes de profiter de tels programmes, mais ces cas sont rares. Lorsque les hommes embrassent une profession typiquement féminine, ils ont toujours tendance à travailler à temps plein [426]. Même en Suède, de tous les hommes qui ont le droit de travailler à temps partiel après la naissance d’un enfant, seuls 8% l’ont fait valoir [427].

En revanche, on attend si rarement des femmes qu’elles travaillent comme des hommes que bon nombre de celles qui sont officiellement sur le marché du travail sont en fait à la maison, tout en jouissant des privilèges des femmes qui appartiennent effectivement à la population active. Encore une fois, c’est particulièrement le cas pour la Suède, l’État-providence le plus avancé de tous. En Suède, l’indemnité de congé parental équivaut à 90% du salaire pendant quinze mois. De plus, les parents ont droit à soixante jours de congé par an pour prendre soin d’un enfant malade. En supposant qu’une année de travail compte environ 220 jours, une femme avec deux enfants peut s’absenter de son lieu de travail pendant plus de la moitié du temps sans aucun préjudice financier. Il n’est guère étonnant que la plupart d’entre elles aient tendance à exercer une activité professionnelle dans le secteur public, où le profit est beaucoup moins une priorité et où la productivité est difficile, voire impossible, à mesurer. Il n’est pas étonnant non plus qu’une enquête ait révélé que seule une jeune mère salariée sur sept est présente sur son lieu de travail [428]. La définition suédoise du travail rémunéré de la femme est si lâche qu’elle déforme toutes les statistiques du travail du pays. En données ajustées, une grande partie de l’augmentation du nombre de femmes sur le marché du travail suédois depuis les années 1950 n’est qu’un mythe [429].

Ce qui vaut pour les pays développés vaut aussi, quoique d’une manière différente, pour les pays en développement. Comme leurs économies reposaient en grande partie sur l’agriculture, comme on pouvait s’y attendre, la division du travail dans ces pays restait jusqu’à récemment ce qu’elle avait toujours été. Dans chacun d’eux, les hommes exerçaient les métiers pénibles ainsi que ceux qui impliquaient des déplacements loin de chez eux. Les femmes travaillaient moins de jours par an que les hommes. Quand elles travaillaient, elles accomplissaient les tâches les moins pénibles à proximité de la maison, afin de pouvoir garder un œil sur leurs enfants [430]. Mais, même dans ces pays, il existait au moins quelques emplois agréables dans l’administration ou les professions libérales. Ces emplois étaient généralement occupés de manière disproportionnée par les femmes [431].

Les pays en développement commencèrent à s’industrialiser dans les années 1960. Les industries dont ils s’équipèrent étaient souvent des usines à capitaux étrangers de fabrication de produits tels que les textiles et plus tard l’électronique ; elles employaient une main-d’œuvre féminine locale et bon marché. Dans d’autres cas, il s’agissait de traiter des données pour des entreprises, telles que les compagnies aériennes, dont le siège social était à l’étranger. Ce travail était répétitif et ennuyeux, voire, dans certaines industries, où il fallait passer des jours à faire des observations au microscope ou en contact avec des produits chimiques, dangereux. Pourtant, comme les femmes elles-mêmes étaient les premières à l’admettre [432], c’était bien mieux que de trimer dans la boue, d’autant plus que le salaire était jusqu’à vingt-cinq fois plus élevé [433]. Il n’est donc pas étonnant que ce travail ait souvent fait l’objet d’une concurrence féroce. Comparé au travail de la plupart des hommes, que ce soit dans l’agriculture ou dans les métiers urbains comme la construction et le transport, il était sûr, facile et propre.

Il en résulta que, dans des pays comme la Corée du Sud, Taïwan, les Philippines, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour, l’Indonésie et le Mexique, les femmes commencèrent à entrer dans les usines par centaines de milliers. La plupart de celles qui fabriquaient des chaussures de sport ou assemblaient des circuits informatiques étaient jeunes et célibataires. Très souvent, elles vivaient chez leurs parents et ne contribuaient que peu ou pas du tout au revenu de la famille. Elles dépensaient leur salaire pour acquérir des produits de luxe tels que les vêtements et les produits de beauté. D’autres épargnaient jusqu’à 50 % de leur revenu [434]. Une fois qu’elles étaient mariées et avaient quitté la population active, comme le faisaient la plupart [435], elles continuaient à être entretenues, désormais par leurs maris. Contrairement aux féministes occidentales, elles refusaient de « reconnaître qu’elles (étaient) exploitées ou de s’organiser pour contester les sources de cette exploitation » [436].

Non seulement dans ces pays, mais dans tous les pays depuis la révolution industrielle, un nombre disproportionné de femmes actives étaient célibataires ou veuves. Plus tard, en partie en raison de la propagation du féminisme, ces deux catégories de femmes furent rejointes par une armée de divorcées. Les femmes mariées – celles qui exercent une activité professionnelle à l’extérieur de la maison et, plus encore, les femmes au foyer – s’attendent pour la plupart à ce que leurs besoins économiques fondamentaux soient satisfaits par les hommes. Des travaux récents sur et par des femmes de carrière décrivent les jouissances et les souffrances de la vie active féminine. Ces dernières incluent la nécessité de plaire à son patron, les déplacements, le soudain revers de fortune en raison de la restructuration de l’entreprise, ou simplement la perte de la liberté personnelle et le manque de temps libre à consacrer à la famille [437]. Ces peines et ces joies, il semble raisonnable de le supposer, sont éprouvées par les hommes autant que par les femmes. Ayant décidé de prendre d’assaut le monde du travail masculin, les femmes devaient tôt ou tard en découvrir aussi les inconvénients. Lorsqu’elles découvrent effectivement ces inconvénients, de nombreuses femmes sont autorisées à faire quelque chose qui est rarement permis aux hommes, à savoir arrêter de travailler et rentrer à la maison.

Abstraction faite des périodes de chômage qu’ils traversent, les hommes restent normalement sur le marché du travail tout au long de leur vie professionnelle. Ce n’est pas le cas pour les deux tiers des femmes. En conséquence, dans la plupart des pays industrialisés, les femmes de la fin du XXe siècle étaient en fait moins susceptibles de travailler tout au long de leur vie que leurs aînées. En Grande-Bretagne, 10% seulement des femmes en 1980 restaient employées de façon continue, 15 % de moins qu’en 1965 [438]. Aux États-Unis, les mères salariées passent au travail un peu plus de deux fois moins d’heures que les pères salariés [439]. Qu’elles soient mariées ou non, les femmes au cours de leur carrière sont susceptibles de passer au travail 40% moins d’heures que les hommes. C’est sans doute la principale raison pour laquelle leur expérience professionnelle ne correspond en moyenne pas à celle des hommes [440]. En somme, la plupart des femmes, comme dans l’ancien modèle, ne participent à l’économie que dans une mesure limitée. Le changement plus important a sans doute été la très forte baisse du taux de natalité. Le peu d’enfants qui naissent encore passent tellement de temps dans les garderies ou à l’école qu’ils connaissent à peine leur parents ; ce qui fait que, aujourd’hui, les femmes ont moins à faire qu’à tout autre moment de l’histoire.

Quant aux hommes, les structures de l’emploi montrent que leur première responsabilité est toujours de nourrir leur famille. Faute d’alternative socialement acceptable, ils n’ont généralement pas d’autre choix [441]. Peu de gens s’opposeront à la décision d’une femme mariée de quitter le marché du travail pour passer le reste de ses jours, par exemple, à arroser ses plantes ou à résoudre ses conflits intérieurs. Au contraire, sa « réticence à renoncer à toute sa personne pour sa carrière » sera saluée comme « particulièrement réfléchie et intelligente » [442]. Un homme qui fait le même choix sera dévalorisé à la fois par les autres hommes et les femmes. Très souvent, il en va ainsi même si son avenir économique est assuré. Si sa femme continue de travailler, cela sera probablement doublement vrai. À un moment donné, la femme de cet homme commencera à se demander pourquoi ce serait à elle seule de porter tout le fardeau. À ce moment, la procédure de divorce est généralement déjà en cours [443].

Aujourd’hui comme autrefois, gagner leur pain à la sueur de leur front reste un devoir auquel la grande majorité des hommes ne peuvent éventuellement échapper que s’ils sont célibataires, sans enfants ou les deux. Aujourd’hui comme autrefois, les femmes qui suivent un chemin similaire sont principalement celles qui n’ont pas d’homme pour les entretenir. Les femmes mariées et dans une moindre mesure les célibataires ont en outre tendance à faire un travail plus facile, à passer moins d’heures au travail et à quitter le marché du travail plus tôt que les hommes. Le sort des kibboutzim et de l’Union soviétique illustre ce qui arrive aux femmes lorsqu’elles ne bénéficient pas de ces privilèges. Dans le dernier cas, alors que le nombre de Russes stagnait et commençait à baisser, Moscou perdit son emprise sur le reste de la population. Parmi celle-ci, il y avait beaucoup de musulmans, dont les femmes, moins susceptibles d’être employées, conservaient une fécondité élevée [444]. Dans une mesure moindre, mais qui n’en reste pas moins significative, il en était de même dans l’ancien bloc de l’Est. Tels furent les conséquences de l’émancipation des femmes à la communiste.

5. Conclusions

En matière de travail, les femmes ont toujours bénéficié de nombreux privilèges. Dans une large mesure, ces privilèges peuvent être attribués aux faits biologiques qui limitaient le travail que les femmes pouvaient effectuer. Certes, si elles avaient des enfants et, dans une moindre mesure, même si elles n’en avaient pas, les femmes étaient dans l’impossibilité de se déplacer loin de chez elles. Même aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, sur 106 000 employées des chemins de fer, seules 250 – moins de 0.5% – n’occupaient pas un emploi de bureau [445]. S’il ‘est vrai, comme l’affirment certains, qu ‘« il est beaucoup plus facile… de passer du statut de travailleur salarié à celui de domestique que de faire l’inverse » [446], c’est peut-être en partie parce que le travail des hommes est souvent difficile.

Les privilèges des femmes ont changé avec le temps. Chaque révolution technologique et économique, que ce soit le passage de l’agriculture à l’industrie ou, plus tard, de l’industrie aux services, a exercé une influence sur le travail des personnes des deux sexes. Les femmes ont d’abord travaillé dans les champs, puis dans les usines. Elles ont ensuite commencé à travailler à domicile, dans les bureaux et dans les agences commerciales. Même là où les hommes et les femmes travaillaient ensemble, une nette division du travail prévalait. La plupart des femmes étaient concentrées dans une poignée de professions. Ici et là, une urgence sociétale, telle qu’une saison agricole chargée ou une guerre, pouvait amener les femmes à travailler avec les hommes. Cependant, au fil du temps, la division coutumière du travail reprenait toujours ses droits. Tant que le travail était considéré comme un fardeau, les femmes, comme les hommes, faisaient de leur mieux pour l’éviter. Bien plus que les hommes, les femmes étaient protégées du travail, soit par leurs parents masculins, soit par les attitudes sociales dominantes, soit encore par les deux. Il est arrivé que le travail des hommes d’une génération devienne le passe-temps des femmes de la suivante, comme l’équitation et la poterie. Dans ce sens aussi, les femmes sont la classe oisive.

Au cours des cent cinquante dernières années, des écrivains socialistes puis féministes ont déclaré que le travail était un droit et un privilège. Pourtant, la situation est restée fondamentalement inchangée. Naturellement, la plupart des femmes contraintes de travailler pour des raisons économiques continuent de considérer leur travail comme un fardeau. Comme le montrent les statistiques du roulement, elles saisissent souvent la première occasion de quitter leur emploi. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le féminisme n’a connu qu’un succès limité parmi les femmes de la classe ouvrière. Quant aux femmes qui sont entrées sur le marché du travail sans y être obligées, elles aussi, pour la plupart, ont conservé leurs privilèges : un emploi plus facile, moins d’heures au travail ; le droit de quitter leur travail à leur guise ; le droit de prendre plus tôt sa retraite ; et, cerise sur le gâteau, le droit d’adopter une attitude d’auto-satisfaction envers le travail en affirmant que, contrairement aux hommes, elles n’en exercent pas un pour l’argent mais pour « l’intérêt » et les « opportunités de développement personnel » qu’il offre [447]. Plus que jamais, plus la classe à laquelle appartiennent les femmes est élevée, grâce en grande partie au travail de leurs hommes, plus tout cela devient vrai. De tous les descendants d’Adam, ce sont contre ces femmes qu’il n’a toujours pas prononcé une malédiction.

Martin van Creveld, The Priviledged Sex, Space Independent Publishing Platform, 2013, traduit de l’anglais par B. K.

[273] Voir Isaac Mendelsohn, Slavery in the Ancient Near East, Oxford University Press, New York, 1949, p. 96-7.
[274] Voir Birgit van den Hoven, Work in Ancient and Medieval Thought, J. C. Gieben, Amsterdam, 1996, p. 28-30, 31-8 ; Paul Ransome, The Work Paradigm: A Theoretical Investigation of Concepts of Work, Aldershot, Avebury, 1996, p. 102-5.
[275] Voir N. Loraux, Ponos : Sur quelques difficultés de la peine comme nom du travail. In Annali del seminario de studi del mondo classico, n° 4, 1982, p. 171-92.
[276] Birgit van den Hoyen, op. cit., p. 30. (Si, effectivement, « le travail avait longtemps été méprisé par le christianisme comme étant la conséquence du péché originel (…) à partir du XIIe siècle (il) fut l’objet d’une remarquable réévaluation dans le système de valeurs et de prestige social des gens du Moyen Age, à peu près parallèlement à la revalorisation de la personne et du rôle de la femme que favorisait le grand essor du culte marial. L’Homme, jusqu’alors essentiellement présenté comme une créature punie et souffrante à l’image de Job, redevint, comme le rappela l’Église en commentant la Genèse, une créature faite par Dieu à son image lors de la Création, premier travail exécuté dans l’histoire par Dieu qui, fatigué, se reposa le septième jour » [c’est nous qui soulignons] [Jacques le Goff, Le Moyen Age et l’argent, Perrin, 2010]. « Le Moyen-Age, avec l’extension du christianisme, voit l’établissement de trois attributs de valeurs porteurs chacun d’une aspiration ancrée dans la religion chrétienne ou l’héritage biblique qu’elle recueille : d’une part, le travail, résultat de la condamnation primitive de l’homme pêcheur, est une nécessité expiatoire plutôt qu’un devoir. L’étymologie du terme renvoie à l’Antiquité : le tripalium (d’où le mot travail est issu) était un système de trois pieux (ou pals) fichés en terre auxquels l’esclave était attaché. Mais cet attribut, en tant qu’expiatoire, est distinct de la pure instrumentalité de l’otium. L’homme médiéval n’est pas enchaîné à sa tâche par la seule force de son maître, mais par la volonté de son créateur, le Père éternel, toute justice et bonté. Mais (…) la valeur expiatoire est doublée à partir du Xe siècle d’une valeur salvatrice : parce qu’il comporte de la souffrance, et seulement dans cette mesure, le travail permet de racheter le pêché originel et nos pêchés avec, à l’horizon, l’espoir d’une vie éternelle toute positive ! » [Robert Francès, Motivation et efficience au travail, Mardaga, 1995, p. 13], N. D. E.).
[277] Ibid., p. 152-8. Voir aussi, au sujet de l’importance de la règle bénédictine dans la formation de la morale du travail, Lynn White, Machina ex Deo: Essays in the Dynamism of Western Culture, MIT Press, Cambridge, MA, 1968, p. 63.
[278] Voir Richard H. Tawney, Religion and the Rise of Capitalism, Murray, Londres, 1960 [1926], p. 108.
[279] Voir William C. Carroll, Fat King, Lean Beggar: Representations of Poverty in the Age of Shakespeare, Cornell University Press, Ithaca, NY, 1996, p. 4-5.
[280] Voir Jeremy Bentham, Panopticon; or, the Inspection House, Payne, Londres, 1794 ; voir aussi J. Mill, Prisons and Prison Discipline, in Terence Ball (éd.), James Mill, Political Writings, Cambridge University Press, Cambridge, 1992, p. 195-224.
[281] J. A. Sharpe, Crime in Early Modern England 1550-1750, Longman, Londres, 1984, p. 178-80.
[282] Genèse, 3:19.
[283] Odyssée, X, 222-223.
[284] Isaac Mendelsohn, Slavery in the Ancient Near East. A Comparative Study of Slavery in Babylonia, Assyria, Syria, and Palestine from the Middle of the Third Millennium to the End of the First Millennium, [éd. non précisée], p. 99 ; Dr. Haim Kahana, lettre à l’auteur, 2 juillet 2001.
[285] Ullstein Lexikon der deutschen Sprache, Berlin, Ullstein, 1969, p. 767.
[286] Isaac Mendelsohn, op. cit., p. 92.
[287] Rois, 5:27-30.
[288] Voir, au sujet de l’esclavage dans ces mines, I. Morris, Remaining Invisible: The Archaeology of the Excluded in Classical Athens, in Sandra R. Joshel et Sheila Murnaghan (éds.), Women and Slaves in Greco-Roman Culture: Differential Equations, Routledge, Londres, 1998, p. 199-211.
[289] Apulée, Métamorphoses, IX, 12.
[290] Petrone, Satyricon, 75, 11 ; Horace, Satires, I,.2, 116-19 ; Sénéque, Controversiae, Ib. praef. 1. Voir aussi Beert C. Verstraete, Slavery and the Social Dynamics of Male Homosexual Relations in Ancient Rome. In Journal of Homosexuality, vol. 5, n° 3, printemps 1980, p. 227-36.
[291] Voir J. Juan et A. de Ulloa, Discourse and Political Reflections on the Kingdoms of Peru, University of Oklahoma Press, Tulsa, OK, 1978, p. 77 et sqq.
[292] « (L)es corvées font un des principaux instrumens de la tyrannie d’un intendant qui veut châtier une paroisse ou une communauté qui a eu le malheur de tomber dans sa disgrâce » (Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, t. 5, Yverdon, 1791, p. 252.
[293] Voir Karl Marx, Capital, Charles H. Kerr (éd.), Chicago, 1932 [1867], vol. 1, p. 262-3.
[294] August Meitzen, Urkunden schlesischer Dörfer, Breslau, Parey, 1863, p. 334.
[295] La République, 457b.
[296] Voir Brian Mitchell, Women in the Military: The Weak Link, Regnery, Orlando, FL, 1996, p. 141-2.
[297] Desmond Morris, Manwatching; A Field Guide to Human Behavior, Abrams, New York, 1977, p. 239-40.
[298] Presidential Commission on the Assignment of Women in the Armed Forces, Report to the President, Washington, U. S. Government Printing Office, 1992, p. C-74.
[299] Miriam Lichtheim, Ancient Egyptian Literature, University of California Press, Berkeley, CA, 1975-80, vol. 2, p. 137.
[300] Voir G. P. Murdock, Comparative Data on the Division of Labor by Sex. In Social Forces, vol. 15, n° 4, 1937 [p. 551-3].
[301] Voir, au sujet de l’île de Vanatinai, à l’est de la Papouasie Nouvelle-Guinée, Maria Lepowsky, Gender in an Egalitarian Society, in Peggy Reeves Sanday et Ruth Gallagher Goodenough (éds.), Beyond the Second Sex: New Directions in the Anthropology of Gender, University of Philadelphia Press, Philadelphie, 1990, p. 180, 182, 202.
[302] Voir Malcolm Gray, The Fishing Industries of Scotland, 1790-1914, Oxford University Press, Oxford, 1978, p. 13 ; Nancy Dorian, Tyranny of Tide, Karoma, Ann Arbor, MI, 1985, p. 33.
[303] Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. 2, 13e éd., Pagnerre, Paris, 1850, p. 238.
[304] Voir Wendy Kaminer, A Fearful Freedom: Women’s Flight from Equality, Addison-Wesley, Reading, MA, 1990, p. 39.
[305] Society in America, Doubleday, New York, 1966 [1837], vol. 3, p. 106.
[306] Voir, pour un exemple moderne, Tuula Heinonen, Negotiating Ideal Womanhood in Rural Philippine Households: Work and Survival, in Parvin Ghorayshi et Claire Belanger (éds.), Women, Work and Gender Relations in Developing Countries: A Global Perspective, Greenwood, Westport, CT, 1996, p. 109-10.
[307] Voir Tamara Jacka, Women’s Work in Rural China: Change and Continuity in an Era of Reform, Cambridge University Press, Cambridge, 1997, p. 22.
[308] R. S. Watson, Girls’ Houses and Working Women, in Maria Jaschok et Suzanne Miers (éds.), Women and Chinese Patriarchy, Hong Kong University Press, Hong Kong, 1994, p. 28, 32 ; Tokyo Yoshida Ch’en, Women in Confucian Society, Columbia University, thèse de doctorat, 1974, microfilms de l’Université, p. iii ; John Buck, Land Utilization in China, Council on Economic and Cultural Affairs, New York, 1937, p. 290, 293.
[309] Gay Robins, Women in Ancient Egypt, Harvard University Press, Cambridge, MS, p. 108.
[310] Theresa M. McBride, Women’s Work and Industrialization, in Renate Bridenthal et Claudia Koonz (éds.), Becoming Visible: Women in European History, 1977, p. 285 ; Deborah Simonton, A History of European Women’s Work: 1700 to the Present , Routledge, Londres, 1998, p. 42, 142, 144-6.
[311] Voir Raymond Pahl, Divisions of Labor, Blackwell, Oxford, 1984, p. 29 ; Olwen Hufton, Women and the Family Economy in Eighteenth-Century France. In French Historical Studies, vol. 9, 1975, p. 11 ; Edward Shorter, Women’s Work: What Difference Did Capitalism Make? In Theory and Society, vol. 3, 1976, p. 516.
[312] Soranos, Gynecology, I, 22-3, I, 27 et III, 9.
[313] Isaac Mendelsohn, op. cit., p. 113.
[314] Deborah Simonton, op. cit., p. 43.
[315] Regine Mathias, Female Labor in the Japanese Coal-Mining Industry, in Janet Hunter (éd.), Japanese Women Working, Routledge, Londres, 1993, p. 113.
[316] Voir Headlee et Margaret Elfin, The Cost of Being Female, Praeger, Westport, CT, 1996, p. 18-9.
[317] Maria Alexandra Lepowsky, Fruit of the Motherland: Gender in an Egalitarian Society, Columbia University Press, 1993, p. 190.
[318] Voir Natalie Angier, Woman: An Intimate Geography, Scribe Publications, 2009, p. 337-9.
[319] Voir, pour le moyen-âge, M. Kowaleski, Women’s Work in a Medieval Town: Exeter in the Late Fourteenth-Century, in B. A. Hanawalt (éd.), Women and Work in Pre-Industrial Europe, University of Indiana Press, Bloomington, IN, 1986, p. 147-8 ; Helena Graham, A Woman’s Work: Labor and Gender in the Late Medieval Countryside, in P. J. P. Goldberg (éd.), Woman is a Worthy Wight: Women in English Society C. 1200-1500, A. Sutton, 1992, p. 135-6.
[320] Alice Clark, Working Life of Women, Routledge, Londres, 1992, p. 66.
[321] Wendy Z. Goldman, Women, the State and Revolution: Soviet Family Policy and Social Life, 1917-1936, Cambridge University Press, Cambridge, 1993, p. 177.
[322] Tamara Jacka, Women’s Work in Rural China: Change and Continuity in an Era of Reform, Cambridge University Press, Cambridge, 1997, p. 36-7.
[323] Alison M. Bowes, Kibbutz Goshen: An Israeli Commune, Waveland, Prospect Heights, IL, 1989, p. 81-2, 90, 93.
[323bis] Ce point très important est expliqué beaucoup plus en détail à https://elementsdeducationraciale.wordpress.com/2017/12/10/postface-a-anatomie-du-pouvoir-feminin/, N. D. E.
[324] Voir T. McBride, Women’s Work and Industrialization, in L.R. Berlanstein (éd.), The Industrial Revolution and Work in nineteenth-Century Europe, Londres et New York, 1992, p. 282.
[325] Deborah Simonton, op. cit., p. 113-5 ; voir aussi Annelies Moors, Gender, Property and Power: Mahr and Marriage in a Palestinian Village, in Kathy Davis et al. (éds.), The Gender of Power, Sage, Londres, 1991, p. 117.
[326] Hetti A. Pott-Butter, Facts and Fairy Tales About Female Labor, Family and Fertility, a Seven-Country Comparison, 1850-1990, Amsterdam University Press, Amsterdam, 1993, p. 285-6.
[327] Voir, pour Londres, 1851 Census, Parliamentary Papers, 1852-3, vol. 83, p. 8, tableau 2 ; pour la Grande-Bretagne, Deborah Simonton, op. cit., p. 98, fig. 5.1 ; pour les États-Unis, Rosalyn Baxandall et Linda Gordon (éds), America’s Working Women, Norton, New York, 1995, p. 200.
[328] T. McBride, op. cit., p. 288-90.
[329] Katharina Schlegel, Mistress and Servant in Nineteenth-Century Hamburg. In History Workshop Journal, vol. 15, 1983, p. 75.
[330] Friedrich Engels, The Condition of the Working Class in England, Harmondsworth, Penguin, 1993 [1844], p. 154.
[331] John Stuart Mill, L’Asservissement des femmes, traduit de l’anglais par M. E. Cazelles, Guillaumin et Cie, paris, 1869, p. 106-7.
[332] Voir S. Alexander, Women’s Work in Nineteenth-Century London, in Juliet Mitchell et Ann Oakley (éds.), The Rights and Wrongs of Women, Penguin, Harmondsworth, Middlesex, 1976, p. 59-111 ; Louise A. Tilly et Joan W. Scott, Women, Work and Family, Methuen, Londres, 1978, p. 19-30, 135.
[333] Voir, au sujet des travailleurs non qualifiés, Michael Hanagan, Family, Work and Wages: The Stéphanois Region of France, 1840-1914, in Angelique Janssens (éd.), The Rise and Decline of the Male Breadwinner Family? Cambridge University Press, Cambridge, 1998, p. 137-8 ; pour les immigrants, Teresa Amott et Julie Matthaei, Race, Gender and Work, South End Press, Boston, 1996, p. 113.
[334] Angelique Janssens, Family and Social Change: The Household as a Process in an Industrializing Community, Cambridge University Press, Cambridge, 1993, p. 40.
[335] Angela V. John, By the Sweat of Our Brow: Women Workers at Victorian Coal Mines, Croom Helm, Londres, 1980, p. 24-5.
[336] Michael Hanagan, Family, Work and Wages: The Stéphanois Region of France, 1840–1914. In International Review of Social History, vol. 42, 1997 [p. 129-51], p. 135 (Ce dicton, qui courait en particulier dans la ville minière de Rive-de-Gier, est expliqué ainsi par la Revue des deux mondes (23e année, 2de série de la nouvelle période, t. 1, 1853, p. 333) : « En effet, les femmes d’ouvriers ne sont ici assujetties à aucun travail ; on ne les voit point, comme dans les pays d’agriculture, affronter dans les champs les intempéries des saisons, ou, comme dans les contrées manufacturières, passer le jour auprès d’un métier, ou bien enfin porter de lourds fardeaux comme dans certaines villes de commerce; elles restent chez elles et vivent absolument en rentières. Les hommes ont un travail pénible, mais un gain élevé ; la récompense suit l’épreuve. Les chevaux, soumis au plus rude labeur, soit dans des chemins défoncés et montueux, soit dans les mines, où ils sont descendus pour n’en plus sortir, trouvent ici un véritable enfer. » N. D. E.).
[337] Lynn E. Winer, From Working Girl to Working Mother: The Female Labor Force in the United States, 1820-1980, North Carolina University Press, Chapel Hill, NC, 1985, p. 72.
[338] Mimi Abramovitz, Regulating the Lives of Women: Social Welfare Policy from Colonial Times to the Present, South End Press, Boston, 1996 [1988], p. 188.
[339] Mary Lynn McDougal, Working Class Women During the Industrial Revolution, in Renate Bridenthal et Claudia Koonz (éds), op. cit., p. 262 ; Wendy Kaminer, A Fearful Freedom, Addison Wesley Longman Publishing Co., 1990, p. 67.
[340] Voir Martin van Creveld, The Rise and Decline of the State, Cambridge University Press, Londres, 1999, p. 213-21.
[341] Teresa Amott et Julie Matthaei, Race, Gender and Work, South End Press, Boston, MA [éd. non précisée], p. 115 ; Rosemary Orthmann, Labor Force Participation, Life Cycle, and Expenditure Patterns: The Case of Unmarried Factory Workers in Berlin, 1902, in Ruth-Ellen B. Joeres et Mary Jo. Maynes (éds)., German Women in the Nineteenth Century: A Social and Literary History, Indiana University Press, Bloomington, IN, 1986, p. 29-36.
[342] Rosalyn Baxandall et Linda Gordon (éds), op. cit., p. 207.
[343] August Bebel, Die Frau und der Sozialismus, Dietz, Berlin, 1923 [1883], p. 216.
[344] Voir Gregory Anderson, The White Blouse Revolution, in id. (éd.), The White Blouse Revolution: Female Of ice Workers since 1870, Manchester University Press, Manchester, 1988, p. 1-26.
[345] Lynn MacDougall, Working Class Women During the Industrial Revolution, in Renate Bridenthal et Claudia Koonz, op. cit., p. 267 ; Alice Kessler-Harris, Out to Work: A History of Wage-Earning Women in the United States, Oxford University Press, New York, 1982, p. 75-107.
[346] Voir Gail Braybon, Women Workers in the First World War, Croom Helms, Londres, 1981, p. 25.
[347] Michael R. Haines, The Demography of Life-Span Transitions: Temporal and Gender Comparisons, in Alice S. Rossi (éd.), Gender and the Life Course, Aldine, New York, 1985, p. 52, tableau 3.3.
[348] Valerie K. Oppenheimer et al., United states of America, in Hans-Peter Blossfeld (éd.), The New Role of Women: Family Formation in Modern Societies, Westview, Boulder, CO, 1995, p. 142.
[349] Leslie Woodcock Tentler, Wage-Earning Women: Industrial Work and Family Life in the United States, 1900-1930, Oxford University Press, Oxford, 1979, p. 165-6.
[350] Voir M. B. Hammond, British Labor Conditions and Legislation during the War, Oxford University Press, Oxford, 1919, chap. 3.
[351] Deborah Simonton, op. cit., p. 186.
[352] I. O. Andrews, The Economic Effects of the World War upon Women and Children in Great Britain, Oxford University Press, Oxford, 1921, chap. 4.
[353] Voir A. W. Kirkaldy, Industry and Finance, Pitman, Londres, 1921, vol. 2, section i.
[354] Françoise Thébaud, The Great War and the Triumph of Sexual Division, in id. (éd.), A History of Women in the West, Belknap Press of Harvard University Press. Cambridge, 1992, p. 37 ; Sandra M. Gilbert, Soldier’s Heart: Literary Men, Literary Women, and the Great War, in Margaret R. Higonnet et al. (éds.), Behind the Lines: Gender in the Two World Wars, Yale University Press, New Haven, CT, 1987, p. 204-12.
[355] Diana Condell et Jean Liddliard, Working for Victory? Images of Women in the First World War, 1914-18, Routledge, Londres, 1987, p. 72.
[356] John R. Gillis, For Better, for Worse: British Marriages, 1600 to the Present, Oxford University Press, New York, 1985, p. 252.
[357] Sondage Gallup cité in Rosalyn Baxandall et Linda Gordon (éds), op. cit., p. 239 ; William H. Chafe, The American Woman, Oxford University Press, New York, 1980, p. 56.
[358] Barbara Miller Solomon, In the Company of Educated Women, Yale University Press, New Haven et Londres, p. 173.
[359] Renate Bridenthal, Something Old, Something New: Women between the Two World Wars. in Renate Bridenthal et Claudia Koonz (éds.), op. cit., p. 426, tableau 18-1.
[360] Alice Kessler-Harris, Out to Work, Oxford University Press, Oxford, 1983, p. 258-9 ; Samuel A. Stouffer et Paul E. Lazersfeld, Research Memorandum on the Family in the Depression, Social Science Research Council, New York, 1937, p. 28-35.
[361] Voir M. Komarowsky, The Unemployed Man and His Family, Dryden, New York, 1940, passim ; David Waddington et al., All Jumbled Up: Employed Women with Unemployed Husbands, in Jennie Popay et al. (éds), Men, Gender Divisions and Welfare, Routledge, Londres, 1998, p. 231-4.
[362] Meridel Le Sueur, Women Are Hungry, in Ripening: Selected Works, 1927-1980, Feminist Press, Old Westbury, NY, 1982, p. 137-8.
[363] Voir Celia Briar, Working for Women? Gendered Work and Welfare Politics in Twentieth Century Britain, UCL, Londres, 1997 [p. 76-8].
[364] Alice Kessler-Harris, op. cit., p. 276 ; William H. Chafe, The Road to Equality: American Women Since 1962, Oxford University Press, Oxford, 1998, p. 56.
[365] Industrial Injuries to Women, U.S. Department of Labor, Women’s Bureau, U. S. Government Printing Office, Washington D. C., 1947, p. 4, tableau 1.
[366] U.S. Department of Labor, Women Workers in Ten Production Areas and Their Postwar Employment Plans, Government Printing Office, Washington D. C., 1946, p. 41, tableau II-7, p. 44, tableau III-1.
[367] Industrial Injuries to Women, U.S. Department of Labor, Women’s Bureau, U. S. Government Printing Office, Washington D. C., 1947, p. 5, tableau II.
[368] Ibid., p. 4, tableau I.
[369] U.S. Department of Labor, Women Workers in Ten Production Areas and Their Postwar Employment Plans, Government Printing Office, Washington D. C., 1946, p. 48, tableau IV-2.
[370] Voir Jenny de Jong Gierveld et Aart C. Liefbroer, The Netherlands, in Hans-Peter Blossfeld (éd.), The New Role of Women: Family Formation In Modern Societies, Routledge, Londres, 1995, p. 108. Il s’avère qn’il y avait moins de femmes dans la population active en 1960 qu’en 1900.
[371] John Locke, An Essay Concerning the True Origin, Extent, and End of Civil Government, in Peter Laslett (éd.), Two Treatises of Government, Cambridge University Press, Cambridge, 1960, p. 305-7.
[372] Karl Marx et Friedrich Engels, The German Ideology, Lawrence & Wishart, Londres, 1970 [1845-6], p. 42. Voir aussi Karl Marx, Capital, Lawrence & Wishart, Londres, 1954 [1867], vol. 1, p. 174.
[373] Friedrich Engels, The Origins of the Family, Private Property, and the State, Penguin, Harmondsworth, 1972 [1884], p. 83, 199.
[374] Die Frau und der Sozialismus, Stuttgart, Dietz, 1910 [1879], p. 169-82.
[375] Vladimir I. Lénine, Married Women in the Labor Force, Harvester, New York, 1966 [1921]. [376] Voir, au sujet de Krupskaya, Alena Heitligner, Women and State Socialism, MacMillan, Londres, 1979, p. 42, 108 ; au sujet de Kollontai, Bernice Glatzer Rosenthal, Love on the Tractor: Women in the Russian Revolution and After, in Renate Bridenthal et Claudia Koonz (éds.), op. cit., p. 377, 388.
[377] Wendy Z. Goldman, Women, the State and Revolution, Soviet Family Policy and Social Life, 1917-1936, Cambridge University Press, Cambridge, 1995, p. 65, 119-22.
[378] Bernice Glatzer Rosenthal, op. cit., p. 380, 386, 387, 389, 392, 395.
[379] Wendy Z. Goldman, op. cit., p. 123, 310-2.
[380] William M. Mandel, Soviet Women, Anchor Press, New York, 1975, p. 124-40.
[381] Voir, au sujet de l’Union soviétique, Bernice Glatzer Rosenthal, op. cit., p. 392, 395 ; au sujet de l’Allemagne de l‘Est, Juta Gysi et Dagmar Meyer, Leitbild: berufstätige Mutter—DDR-Frauen in Familie, Partnerschaft und Ehe, in Gisela Herwig et Hildegard Nickel (éds.), Frauen in Deutschland 1945-1992, Bundeszentrale für politische Bildung, Bonn, 1993, p. 236-7; au sujet de la Tchécoslovaquie, Alena Heitinger, Women and State Socialism, Palgrave, Londres, 1979, p. 148.
[382] Joel C. Moses, The Politics of Women and Work in the Soviet Union and the United States: Alternative Work Schedules and Sex Discrimination, Institute of International Studies, Berkeley, CA, 1983, p. 32-6 ; Alena Heitlinger, Women and State Socialism: Sex Inequality in the Soviet Union and Czechoslovakia, Macmillan, 1979., p. 158.
[383] L. Remennick, Epidemiology and determinants of induced abortion in the U.S.S.R. In Social Science and Medicine, vol. 33, n° 7, 1991, p. 841-8 ; International Herald Tribune, 16 février 2001, p. 1.
[384] Voir Wendy Z. Goldman, op. cit., p. 279-81, 290-9, 333-5 ; Mary Buckley, Glasnost and the Woman Question, in Linda Edmondson (éd.), Women and Society in Russia and the Soviet Union, Cambridge University Press, Cambridge, 1992, p. 208.
[385] Joel C. Moses, op. cit., p. 22-3.
[386] Jo Peers, Workers by Hand and Womb: Soviet Women and the Demographic Crisis, in Barbara Holland (éd.), Soviet Sisterhood, Indiana University Press, Bloomington, IN, 1985, p. 135 ; Sue Bridger, Young Women and Perestroika, in Linda Edmondson (éd.), Women and Society in Russia and the Soviet Union, Cambridge University Press, Cambridge, 1992, p. 191.
[387] Mikhail S. Gorbachev, Perestroika, Fontana, Londres, 1988, p. 117-8.
[388] William M. Mandel, op. cit., p. 110.
[389] Sigmund Freud, Civilization and Its Discontents, Hogarth, Londres, 1930, p. 34.
[390] Lynn Weiner, From Working Girl to Working Mother: The Female Labor Force in the United States. 1820-1980, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, NC, 1985, p. 95.
[391] Voir Denise Riley, War in the Nursery, Virago, Londres, 1983, p. 141-4.
[392] Celia Briar, Working for Women?: Gendered Work And Welfare Policies In Twentieth Century Britain, UCL Press, Londres, 1997, p. 95 (étant donné que, en Grande-Bretagne, la plupart des salariés qui regagnèrent leurs foyers après la guerre étaient des femmes, les femmes britanniques portent une lourde responsabilité dans l’immigration massive « de travail » de personnes de couleur du Commonwealth et de l’Empire britannique en Grande-Bretagne dans l’après-guerre, N. D. E.).
[393] Suzanne Gordon, Prisoners of Men’s Dreams: Striking Out for a New Feminine Future, Little Brown, Boston, 1991, p. 125,
[394] Sven Illeris, The Service Economy: A Geographical Approach, Wiley, Chichester, 1996, p. 36.
[395] Holding the Baby, The Economist, 31 janvier 1998.
[396] Voir, au sujet des États-Unis, Andrea P. Baridon et David R. Eyler, Working Together: The New Rules and Realities for Managing Men and Women at Work, McGraw-Hill, New York, p. 42, fig. 1-14 ; au sujet de l’Europe, Isabella Bakker, Women’s Employment in Comparative Perspective, in Jane Jenson et al. (éds.), Feminization of the Labor Force: Paradoxes and Promises, Oxford University Press, New York, 1988, p. 20 ; au sujet de la Grande-Bretagne, Juliet Webster, Shaping Women’s Work: Gender, Employment and Information Technology, Longman, Londres, 1996, p. 108 ; au sujet du Japon, Larry S. Carney et Charlotte G. O’Kelly, Women’s Work and Women’s Place in the Japanese Economic Miracle, in Katharyn Ward (éd.), Women Workers and Global Restructuring, ILR Press, s. l., 1990, p. 127.
[397] Deborah Simonton, op. cit, p. 184, fig. 9.1.
[398] Voir Sue Headlee et Margery Elfin, The Cost of Being Female, Praeger Publishers Inc., 1996, p. 17.
[399] Jonsson, Women in Education from a Swedish Perspective, in J. Wrigley (éd.), Education and Gender Equality, RoutledgeeFalmer, Londres, 1992, p. 56-7.
[400] Voir, au sujet de la Grande-Bretagne, C. Cockburn, Brothers: Male Dominance and Technological Change, Pluto, Londres, 1983 ; au sujet des États-Unis, Barbara F. Reskin et Patricia A. Roos, Job Queues, Gender Queues, Temple University Press, Philadelphie, 1990, p. 275-98 (l’informatisation de l’imprimerie eut pour conséquence, comme c’était prévisible, une augmentation considérable du nombre de femmes dans les métiers concernés : https://www.piworld.com/article/women-printing-female-perspectives-17100/all/, N. D. E.).
[401] Sue Headlee et Margery Elfin, op. cit., p. 18-9.
[402] Estelle B. Freedman, Their Sisters’ Keepers; Women’s Prison Reform in America, 1830-1930, University of Michigan Press, Ann Arbor, MI, 1981, p. 71.
[402bis] Dans le souci de coller au plus près aux réalités, nous prenons la liberté, comme l’y autorise la langue anglaise et bien qu’il soit impropre de qualifier de « travail » au sens étymologique tout job dans le secteur tertiaire, de traduire « working hours », chaque fois qu’il s’applique à une salariée, par « heures au travail » plutôt que par « heures de travail » et de même, de préférence chaque fois que possible, « working woman » par « salariée » plutôt que par « travailleuse » et en cela ne pensons pas dénaturer la pensée de l’auteur, mais au contraire la porter jusqu’à ses conclusions logiques.
[403] Virginia Valian, Why So Slow? The Advancement of Women, MIT Press, Cambridge, MS., 1998, p. 208, 260 ; F. M. Kay et J. Hagan, Raising the Bar: The Gender Stratification of Law Firm Capital. In American Sociological Review, 63, 1998, p. 728-43.
[404] Larry S. Carney et Charlotte G. O’Kelly, op. cit., p. 133.
[405] Sybille Meier et Eva Schulze, Frauen in der Modernisierungsfalle—Wandel von Ehe, Familie und Partnerschaft in der Bundesrepublik Deutschland, in Gisela Herwig et Hildegard Nickel (éds.), Frauen in Deutschland 1945-1992, Bundeszentrale für politische Bildung, Bonn, 1993, p. 173. Voir, pour des chiffres plus récents, Das Parlament, 21 janvier 2000, p. 2.
[406] A. Nyberg, Women, Men and Incomes: Gender equality and economic independence, SOU, Stockholm, 1997, p. 13, 70.
[407] E. Nasman, Childhood, Family and New Ways of Life: The Case of Sweden, in Lynne Chisholm et al. (éds.), Growing Up in Europe, de Gruyter, Berlin, p. 124.
[408] Voir Katherine Hakim, Key Issues in Women’s Work: Female Heterogeneity and the Polarisation of Women’s Employment, Athlone, Londres, 1996, p. 52, 203.
[409] Voir Virginia Valian, op. cit., p. 270.
[410] United Nations Development Program, Human Development Report, 1995, table 4.2.
[411] Dominique Anxo et Lennart Flood, Patterns of Time Use in France and Sweden, in Inga Persson et Christina Jonung (éds.), Women’s Work and Wages, Routledge, Londres, 1998, p. 102-3.
[412] Voir Virginia Valian, op. cit., p. 267.
[413] Joy Hendry, The Role of the Professional Housewife, in Janet Hunter (éd.), Japanese Women Working, Routledge, Londres et New York, 1993, p. 236.
[414] N. Stockman et al., Women’s Work in East and West: The Dual Burden of Employment and Family Life, Sharpe, Londres, 1995, p. 81.
[415] M. Bartley, Domestic Conditions, Paid Employment and Women’s Experiences of Ill Health. In Sociology of Health and Illness, vol. 14, n° 3, 1992 [p. 313-41].
[416] N. Stockman et al., op. cit., p. 200.
[417] Voir, au sujet des États-Unis, May H. Stevenson, Determinants of Low Wages for Women Workers, Praeger, New York, 1984, p. 4 ; au sujet de l’Europe, Eurostat 1992, Frauen in der Europäischen Gemeinschaft, Luxemburg, Amt für amtliche Veröffentlichungen der Europäischen Gemeinschaften, p. 94-7.
[418] Celia Briar, op. cit., p. 153.
[419] Voir Nancy Gabin, Time Out of Mind: the UAW’s Response to Female Labor Laws and Mandatory Overtime in the 1960s, in Ava Abron (éd.), Work Engendered: Toward a New History of American Labor, Cornell University Press, Ithaca, NY, 1991, p. 355, 351-74.
[420] Women in the Law Say Path is Limited by Mommy Track, New York Times, 8 août 1988, p. A1.
[421] Voir, au sujet du Japon, Larry S. Carney et Charlotte G. O’Kelly, op. cit.
[422] Voir, au sujet de Silicon Valley, Karen Hossfeld, ‘Their Logic Against Them’: Contradictions in Sex, Race, and Class in Silicon Valley, in ibid., p. 172.
[423] Katherine O’Donovan et Erika Szyszcak, Equality and Sex Discrimination Law, Blackwell, Oxford, 1988, p. 65-6 ; Meade-Hill and another v. the British Council [1995], IRLR 478.
[424] Voir Andrea P. Baridon et David R. Eyler, Working Together: New Rules and Realities for Managing Men and Women at Work, McGraw-Hill, 1994, p. 188-90.
[425] Christiane Dienel, Frauen in Führungspositionen in Europa, Munich, 1996, p. 138-41, tableau 36 ; Bundesministerium für Wirtschaft, (éd.), Frauen als Wirtschaftsfaktor in Europa, Bundesministerium für Wirtschaft, Francfort, 1997, p. 20-1, 97.
[426] Kea Tijdens, Segregation Processes by Gender: The Case of the Electronic Data-Processing Occupations, in Petra Beckman (éd.), Gender-Specific Occupational Segregation, Institut für Arbeitsmarkt- und Berufsforschung der Bundesanstalt für Arbeit, Nuremberg, 1996, p. 118.
[427] E. Näsman, Childhood, Family and New Ways of Life: The Case of Sweden, in L. Chisholm, P. Büchner, H. H. Krüger et M. du Bois-Reymond (éds.). Growing up in Europe. Contemporary horizons in childhood and youth studies. Berlin et New York: Walter de Gruyter, p. 124.
[428] H. A. Pott-Butter, Facts and Fairy Tales about Female Labor, Family. and Fertility: A Seven-Country Comparison, 1850–1900, Amsterdam University Press, Amsterdam, 1993, p. 208.
[429] Anita Nyberg, The Social Construction of Married Woman’s Labor-Force Participation: The Case of Sweden in the Twentieth Century. In Continuity and Change, vol. 9, n° 1, 1994 [p. 145-46], p. 153-4.
[430] Voir, au sujet de la Chine, Delia Davin, Woman Work: Women and the Party in Revolutionary China, Oxford University Press, Oxford, 1979, p. 149.
[431] Jane L. Parpart, Gender, Patriarchy, and Development in Africa: The Zimbabwean Case, in Valentine M. Moghadam (éd.), Patriarchy and Economic Development, Clarendon Press, Oxford, 1996, p. 151.
[432] Voir Diane L. Wolf, Linking Women’s Labor with the Global Economy; Factory Workers and Their Families in Rural Java, in Kathryn Ward (éd.), op. cit., p. 42.
[433] Sinith Sittrak, The Daughters of Development: Women and the Changing Environment, Zed, Londres, 1998, p. 93.
[434] Diane L. Wolf, op. cit,. p. 43 ; Sun Joo Oh, The Living Conditions of Female Workers in Korea, Korea Observer, 14, n° 2, 1983, p. 185-200.
[435] P. Pongpaichit, Two Roads to the Factory: Industrialization Strategies and Women’s Employment in South East Asia, in Bina Agarwal (éd.), Structures of Patriarchy: the State, the Community and the Household, Zed, Londres, 1988, p. 158-61.
[436] Rita S. Gallin, Women and the Export Industry in Taiwan: The Muting of Class Consciousness, in Kathryn Ward (éd.), op. cit., p. 190.
[437] Voir Beth Milwid, Working with Men: Professional Women Talk About Power, Sexuality, and Ethics, Beyond Words Publishing, Hillsboro, OR, 1990, p. 179-276 ; Elizabeth P. McKenna, When Work Doesn’t Work Anymore: Women, Work and Identity, Delacorte, New York, 1997, chap. 1.
[438] Catherine Hakim, Theoretical Measurement Issues in the Analysis of Occupational Segregation, in Petra Beckmann (éd.), Gender-Specific Occupational Segregation, Beiträge zur Arbeitsmarkt- und Berufsforschung, n° 188, Institut für Arbeitsmarkt- und Berufsforschung. Nuremberg, 1996, p. 76-7 ; id., Key Issues in Women’s Work: Female Diversity and the Polarisation of Women’s Employment, Athlone, Londres et Atlantic Highlands, NJ, 1996, p. 117, 134, 140-1.
[439] Voir, pour 1996, A Report of the Council of Economic Advisers, Families and the Labor Market, 1969-1999: Analyzing the ‘Time Crunch’, Office of the President, Washington, mai 1999, p. 4.
[440] Lionel Tiger, The Decline of Males, St. Martin’s Press, 1999, p. 121 ; Mary T. Coleman et John Pencavel, Trends in Market Work Behavior of Women since 1940. In Industrial and Labor Relations Review, vol. 46, n° 4, 1993 [p. 653-76].
[441] Voir John Money et Patricia Tucker, Sexual Signatures: On Being a Man or a Woman, Little, Brown, Boston et Toronto, 1975, p. 199 ; voir aussi Susan Moller Okin, Justice, Gender and the Family, Basic Books, New York, 1989, p. 144.
[442] Liz Roman Gallese, Women Like Us, William Morrow, New York, 1985, p. 250-1.
[443] Voir Sandra Tsing Loh, The Weaker Sex, The Atlantic, octobre 2012 ; voir aussi A. Cherlin, Worklife and Marital Dissolution, in George Levinger (éds.), Divorce and Separation, Basic Books, New York, 1979, p. 151-66.
[444] Joel C. Moses, op. cit., p. 24, 32.
[445] Doris Weatherford, American Women and World War II, Facts on File, New York, 1990, p. 140.
[446] Susan Moller Okin, op. cit., p. 103.
[447] Voir E. P. McKenna, When Work Doesn’t Work Any More: Women, Work and Identity, Hodder & Stoughton, New York, 1997, p. 37.

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